À l’heure actuelle, beaucoup de startups envisagent la cession, parfois plus tôt qu’elles ne l’auraient pensé, en particulier dans le cadre de build-up. Si les motivations sont diverses, les questions à se poser pour préparer au mieux une cession restent les mêmes. Dans le jargon du M&A, on appelle cela “habiller la mariée”, autrement dit, comment se présenter sous son meilleur jour pour séduire l’acheteur et obtenir la valorisation escomptée ?
Et surtout, comment s’assurer de se protéger des risques qui pourraient venir nuire au deal, voire le faire échouer ? Pour répondre à ces questions, Maddyness s’est entretenu avec Guillaume Vitrich, associé du cabinet d’avocats White & Case et Romain Dehaussy, associé de la banque d’affaire Cambon Partners. « Le pire risque reste, bien sûr, que la cession n’aboutisse pas, c’est catastrophique pour une société. L’entrepreneur a été moins concentré sur son business, certains salariés au courant, peuvent être démotivés par l’échec, des infos stratégiques ont été partagées, etc.. », alerte d'emblée Romain Dehaussy.
Rationaliser ses coûts et augmenter son runway
« Souvent, la préparation d’une cession, côte cible, peut arriver à un moment où on réfléchit aussi à une levée de fonds », souligne Guillaume Vitrich, évoquant le principe du dual track, qui consiste à envisager concomitamment les deux options. « Il y a donc un sujet de calendrier, et il faut, dans la mesure du possible, éviter d’avoir cette discussion si son cash runway, autrement dit le nombre de mois qu’il reste avant d’être à court de trésorerie, est trop limité », explique-t-il. « Il faut éviter de se retrouver le couteau sous la gorge à cause du cash, cela conduit à prendre de mauvaises décisions », confirme Romain Dehaussy.
En plus des sujets de trésorerie, les acquéreurs vont aussi regarder le P&L (compte de résultat) de l’entreprise. Et ils ne sont pas friands des sociétés non rentables, d’autant plus par les temps qui courent. « Douze mois avant un projet de cession, il faut couper tous les coûts non indispensables, ceux qui sont superflus, comme ceux pour lesquels le retour sur investissement est trop lointain », conseille Romain Dehaussy.
Être identifié par son potentiel acquéreur
« Il y a la mariée en tant que telle puis il y a les possibles candidats. En général, quand on se marie avec quelqu’un, on le connait déjà », image Romain Dehaussy. Il invite donc les startups à se mettre le plus en amont possible sur le radar de leurs potentiels acquéreurs, en travaillant leur notoriété, via la presse par exemple, et/ou en établissant, quand c’est possible, des relations de business avec eux. « Pour intéresser un acheteur, il faut au moins l’avoir déjà rencontré. Si on a réussi à lui prendre quelques clients, c’est encore mieux et si on a fait du business avec lui, c’est l’idéal », explique-t-il.
Anticiper tout ce qui peut impacter la valeur
« En fin de compte, l’objectif est de vendre à la meilleure valorisation », souligne Guillaume Vitrich. Pour cela, il convient donc d’anticiper tout ce qui pourrait avoir un impact sur la valeur. « Cela concerne les sujets business, mais aussi les sujets d’ordre juridique et financier. Il faut être conscient de toutes les difficultés et essayer au maximum de les adresser, afin qu’elles ne viennent pas impacter le deal », explique Guillaume Vitrich. Pour cela, il conseille déjà de reprendre les rapports d’audit préparés à l’occasion de levées de fonds précédentes. Chez Cambon Partners, Romain Dehaussy encourage même les startups à faire une “Vendor Due Diligence” avec un cabinet d’audit en amont du projet de cession.
Un travail préparatoire doit également être mené autour des sujets de conformité, de droit du travail et de propriété intellectuelle. « Souvent, une startup est rachetée pour sa technologie ou pour son équipe, ce sont donc deux axes auxquels il faut faire particulièrement attention », explique Guillaume Vitrich.
Bien structurer son deal
« La structuration du deal nécessite un important travail en chambre avec les banquiers d’affaires, les avocats, les fondateurs et les investisseurs de la cible », insiste Guillaume Vitrich. « Il faut en priorité avoir une discussion franche avec tous les actionnaires et déterminer les lignes rouges de chacun, par exemple qui peut vendre contre des actions. Du côté du management, il faut aussi anticiper le sujet des BSPCE, de leur exercice et de l’accélération éventuelle du vesting », détaille-t-il.
Beaucoup d’opérations du secteur sont payées en titres. « Le mariage entre deux tables de capitalisation est parfois complexe. Surtout lors d’un build-up, si les deux sociétés ont fait des levées de fonds. Il faut alors tenir compte des liquidations préférentielles et tenter d’aligner les attentes des différents investisseurs », alerte Guillaume Vitrich.
Parmi les sujets à anticiper avant la conclusion du deal, il y a également la gouvernance du nouvel ensemble, la place des fondateurs ou encore la gestion des ressources humaines. « Dernier conseil : ne jamais perdre de vue son objectif. Le plus important reste la vision pour le projet industriel du nouvel ensemble, il faut toujours prendre du recul, au moment précis où mille détails sont à régler », conclut Guillaume Vitrich.