« Les trois quarts des startups ont des difficultés à convaincre les directions achats. » C’est ce qu’affirme Jade Francine, cofondatrice de WeMaintain, spécialisée dans la maintenance des ascenseurs dans les entreprises et membre du conseil d’administration de France digitale. Pour l’entrepreneuse, ce qui freine la réussite des startups réside souvent dans la difficulté à travailler avec les grands groupes. « Ce n’est pas le côté opérationnel qui bloque. Mais les startups ne répondent pas forcément aux critères des directions achats », estime l’entrepreneuse qui a, elle-même, rencontré ce problème. « A nos débuts, on nous demandait au moins trois ans d’existence. Les groupes considèrent souvent qu’une jeune société est moins solide. »

Si la direction n’impulse pas une volonté d’innover ou de s’intéresser à de nouveaux prestataires, les démarches sont donc complexes pour les jeunes sociétés. « Les acheteurs ont pour mission de limiter les risques pour leur entreprise. Travailler avec des startups peut être une opportunité mais cela comporte forcément une part de risque », estime Arnaud Katz, dirigeant de Kactus, qui a mis au point une solution de suivi des dépenses pour les entreprises. Ces collaborations peuvent également demander plus d’accompagnement de la part des groupes. Et les contraintes dans certains secteurs peuvent être incompatibles avec le fait de travailler avec une jeune société. Le secteur bancaire, notamment, impose aux groupes de travailler uniquement avec des entreprises ayant au moins trois ans de bilan, pour des raisons de sécurité.

« L’innovation est d’abord dans les startups »

D’autant que la temporalité n’est pas la même entre les jeunes sociétés et les entreprises bien installées. « Dans les grands groupes, les délais sont très longs. Les startups ont, de leur côté, besoin que tout aille vite », poursuit Arnaud Katz.

Certains y voient toutefois de nombreux avantages. C’est le cas de Pascal Decary, directeur des achats du groupe SNCF. « Nous considérons que le principal gisement d’innovation dont nos métiers ont besoin est dans les startups. Nous sommes toujours mieux servis en termes de qualité et de délais. Les grands groupes ont tendance à être dans une position de confort et à considérer que les clients ont de la chance de travailler avec eux. A contrario, les startups sont très souples et s’adaptent à leurs clients », estime-t-il. Selon lui, ce sont plutôt les prescripteurs qui ont dû mal à accorder leur confiance aux jeunes sociétés. « Une société peut se valoriser à travers ses fournisseurs et améliorer son image en travaillant avec des entreprises renommées, de grandes tailles », estime-t-il.

Le groupe SNCF a donc fait le choix de s’appuyer sur une poignée de startups pour développer de nouveaux services. « Nous travaillons notamment avec WeMaitain pour la maintenance de nos ascenseurs et de nos escalators. Mais également avec des sociétés comme Sweep, une solution logiciel intégrant de l’intelligence artificielle pour gérer nos émissions carbone », indique Pascal Decary.

Des programmes de formation à l’innovation

Selon Jade Francine, les relations entre acheteurs et startups ont tendance à « évoluer. » « Les choses changent. On parle de plus en plus d’innovation dans les grands groupes. Ils réalisent qu’ils ne peuvent pas tout faire en interne », estime-t-elle. Un changement, impulsé notamment par certains acteurs de l’écosystème numérique, comme la French Tech ou Bpifrance. Cette dernière a notamment lancé un programme de formation à l’innovation à destination des directeurs achats, pour favoriser leurs collaborations avec les entreprises innovantes.

« Je pense que pour que les startups réussissent, la clé c’est de convaincre les achats, estime la membre du conseil d’administration de France digitale. C’est un gros sujet. Cela bloque vraiment leur développement. »