Quand une maladie s’attaque au cerveau, il est essentiel de ne pas perdre de temps pour l’identifier afin de pouvoir entamer un traitement pour espérer l’éliminer. Si on prend l’exemple de la maladie de Parkinson, un patient sur 4 est mal diagnostiqué et attend en moyenne 13 mois avant d’obtenir un diagnostic. Et lorsque ce dernier est posé, il ne lui reste plus que 35 % des neurones producteurs de dopamine. Autrement dit, la partie est déjà quasiment gagnée pour la maladie.
Devant ce constat, la startup franco-belge NeuroClues (ex-P3Lab) veut changer la donne pour diagnostiquer le plus tôt possible les maladies neurologiques. Dans le cadre de son développement, la société vient de boucler un tour de table de 5 millions d’euros mené par le fonds belge White Fund, spécialisé dans la medtech, et le programme EIC (European Innovation Council) Accelerator de la Commission européenne. Des investisseurs historiques, comme Invest BW, des business angels ont également participé à l’opération. Auparavant, l’entreprise avait déjà levé 4,7 millions d’euros en 2021.
Une solution présentée comme le «stéthoscope du cerveau»
Si la startup est originaire de Belgique, à Louvain-la-Neuve (Wallonie), elle s’est dotée d’un ADN français en intégrant l’iPEPS (Incubateur et pépinière d’entreprises Paris-Salpêtrière. Dans les locaux de ce dernier, NeuroClues perfectionne sa solution basée sur l’analyse du mouvement de l’œil afin de diagnostiquer des maladies neurodégénératives à un stade précoce. La solution prend la forme d’un casque, qui est capable d’enregistrer jusqu’à 800 images infra-rouges par œil et par seconde alors que le patient suit un point qui se déplace sur un écran.
De cette manière, ce dispositif permet d’analyser en quelques minutes les mouvements oculaires afin d’identifier des biomarqueurs précis, permettant de déterminer les troubles neurologiques (Parkinson, Alzheimer, sclérose en plaques…) plusieurs années avant l’apparition des symptômes cliniques comme la perte de mémoire ou les tremblements. Avec cette solution, que la jeune pousse présente un «stéthoscope du cerveau», celle-ci veut adresser un marché mondial qu’elle estime à 2,5 millions de médecins utilisant l’observation des mouvements oculaires pour évaluer l’état neurologique de leurs patients. «Actuellement, le temps nécessaire pour confirmer le diagnostic de ces maladies est d’environ un an. Nous allons réduire ce délai significativement», assure Antoine Pouppez, co-fondateur et CEO de NeuroClues.
Mise sur le marché attendue en 2024 aux États-Unis et 2025 en Europe
La jeune pousse se montre optimiste quant à son approche, notamment depuis que l’entreprise a présenté à l’automne des résultats encourageants pour un test visant à réaliser le diagnostic pré-clinique de la maladie de Parkinson. En parallèle, la société a entamé une étude avec l’Institut du Cerveau pour aider les chercheurs à quantifier les biomarqueurs de cette maladie.
Fondée en 2020 par Antoine Pouppez, ancien cadre dans le groupe belge IBA (diagnostic et traitement du cancer), ainsi que Pierre Daye et Pierre Pouget, deux chercheurs de l’Institut du Cerveau, la jeune medtech franco-belge veut s’appuyer sur sa levée de fonds pour se déployer en Europe et en Amérique du Nord. Dans ce sens, elle a entrepris les démarches pour décrocher le feu vert de la Food and Drug Administration (FDA), le gendarme de la santé américaine, dès cette année, avant d’obtenir le marquage CE en Europe en 2025.
Si le processus de validation se déroule sans encombre des deux côtés de l’Atlantique, NeuroClues souhaite proposer sa solution aux neurologues et neuro-ophtalmologues. Mais la startup voit déjà beaucoup plus loin puisqu’elle espère aider plus de 10 millions de patients dans le monde d’ici 2032 en proposant dans un second temps sa technologie aux médecins généralistes et professionnels de la vision.