OKR, ESG, KPI,... et maintenant KBI : le monde de l’entreprise est friand de nouveaux acronymes, parfois déroutants. Mais au quotidien, ces outils s’avèrent bien utiles pour aligner l’organisation et ses équipes autour d’une vision partagée et d'objectifs communs. « La mise en place d’indicateurs, c’est un moyen de monitorer les choses afin d’avoir une amélioration continue des pratiques des organisations », rappelle notamment Michel Barabel, professeur à Sciences Po Paris.
“L’ESG, c’est un peu le b.a.-ba”
L’ESG, pour environnement, social et gouvernance, est désormais un concept bien connu dans les grands groupes. Chez GRTgaz, « les critères ESG sont durablement intégrés dans nos activités et notre raison », explique Camelia Ratiu-Boucher, la Deputy Chief Innovation Officer du groupe. « Dans notre rapport annuel intégré nous suivons évidemment des indicateurs financiers et aussi extra-financiers, tels les indicateurs environnementaux, puisque nous sommes engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, en particulier les émissions de méthane, et dans l’accélération du développement des gaz renouvelables. Nous regardons aussi les indicateurs sociaux et sociétaux, comme le taux de féminisation de nos métiers techniques », ajoute-t-elle.
Mais l’ESG n’est plus l’apanage des grands groupes : les startups s’y intéressent de plus en plus, alors que les critères ESG font désormais partie des critères de sélection des fonds et des collaborateurs. « L’ESG, c’est un peu le b.a.-ba : il faut bien faire en matière d’environnement, bien traiter ses salariés, intégrer les sujets de diversité, etc. », résume Litzie Maarek, cofondatrice et Managing partner du fonds à impact Educapital. « La performance ne se mesure pas uniquement par les bilans comptables. Tout doit converger vers la création de valeur, que ce soit pour les salariés, pour toutes les parties prenantes, pour les actionnaires, pour l'environnement… », souligne-t-elle.
Litzie Maarek décrit l’ESG avant tout comme un “framework” qui permet aux investisseurs « d'avoir des indicateurs extra-financiers pour sélectionner, pour assurer un suivi et pour définir des bonnes pratiques. » Charge ensuite à chaque fonds, à impact ou non, de définir ses propres critères, en cohérence avec les ambitions de sa thèse d’investissement. « L'extra-financier va créer de la valeur, et réciproquement. Plus je fais de l'impact, plus je vais construire une société performante, grosse et durable. Je suis convaincue que l'extra-financier est une condition nécessaire de réussite », ajoute-t-elle.
“Aligner les objectifs ambitieux de l'entreprise”
Les OKR, pour “objectives and key results”, sont davantage déployés dans le monde de la tech, mais ils essaiment progressivement dans toutes les entreprises. « C'est un concept qui a été instauré chez Intel dans les années 70, puis popularisé chez Google dans les années 2000. L'objectif principal est d'aligner les objectifs ambitieux de l'entreprise et de les traduire dans la pratique avec des “Key Results”, des résultats observables et mesurables », rappelle Paul Courtaud, le fondateur de la scale-up Neobrain.
La startup définit ainsi 3 à 5 OKR maximum par trimestre au niveau de l'entreprise, déclinés ensuite à chaque équipe. Cette approche favorise la transparence et encourage toutes les strates de l'entreprise à travailler de concert vers des buts communs. Un atout en phase d'hypercroissance, comme l’a vécu Neobrain après avoir levé 23 millions d'euros en deux ans.
« Quand on passe de quelques dizaines à plus de 100 personnes, on vit des crises », reconnaît l’entrepreneur, en évoquant l’importance de travailler à aligner les objectifs et la vision des fondateurs avec le quotidien des collaborateurs. « Au démarrage, j'étais convaincu que c'était clair pour tout le monde. Sauf que maintenant, on a des équipes dans 5 pays différents, on a des clients dans 80 pays… Les OKR nous ont permis de réaligner simplement nos priorités et donc de recentrer notre temps et nos objectifs, et de s'assurer qu'il y a un alignement total. »
Et d’ajouter : « quand on grandit, souvent le fondateur peut devenir le facteur limitant de son entreprise. On a des idées tous les matins. Avec les OKR, on a des équipes qui peuvent me dire ‘non, ce n'est pas dans nos objectifs’ Donc on concentre mieux notre énergie. »
« Mesurer l'évolution dans le temps des comportements des salariés »
Les KBI, à ne pas confondre avec les KPIs, les “key performance indicators”, sont quant à eux bien plus récents. « Les “key behavior indicators”, ou indicateurs de comportement, essayent de mesurer l'évolution dans le temps des comportements des salariés dans l'environnement de l'entreprise », explique Camélia Ratiu-Boucher, qui a déployé les KBI au sein de GRTgaz pour déterminer la contribution de l’innovation à la transformation de l’entreprise
« Nous sommes en train de complètement revoir notre modèle économique pour pouvoir accueillir dans nos infrastructures des énergies de plus en plus vertes et de plus en plus décentralisées », souligne-t-elle. Elle insiste qu’à cette transformation de l'activité correspond également une transformation culturelle, dans laquelle les “soft skills” des collaborateurs s’avèrent déterminants.
« Nous avons identifié plusieurs comportements, comme le droit à l'erreur ou l'esprit entrepreneurial, propres à l’innovation. Et ensuite, nous avons bâti un questionnaire pour identifier deux choses : Comment ces comportements sont perçus à l'heure actuelle dans l'entreprise ? Et deuxièmement, comment l'innovation les impacte ? » Résultat : « nous pouvons démontrer factuellement que l'innovation est un levier de transformation culturelle, puisque près de 6 salariés sur 10 considèrent que le fait d'avoir bénéficié des programmes d'innovation a vraiment fait évoluer leurs comportements et pratiques au quotidien. Donc ça les a transformés. »
Mais qu’il soit question d’ESG, de KBI ou OKR, ces trois concepts complémentaires convergent en fait vers un objectif commun : piloter les entreprises vers une réussite durable et mesurable. « Ce qui ne se mesure pas ne s'améliore pas. Et je dirais même à l'inverse, le fait de simplement commencer par mesurer, on voit déjà les choses bouger », conclut Paul Courtaud.