Aujourd’hui, le numérique est déjà l’un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, proche de ce qu’émet l’aviation civile. Selon l’ADEME, sans action pour limiter la croissance de l’impact environnemental du numérique, son empreinte carbone pourrait tripler entre 2020 et 2050. Construire un numérique responsable semble donc être une nécessité, mais la tâche est ardue.

Selon la définition de la mission interministérielle, le numérique responsable est une démarche d’amélioration continue qui vise à améliorer l’empreinte écologique et sociale du numérique. Il recouvre le Green IT, pour réduire l’empreinte environnementale à l’échelle des systèmes d’information, et l’IT for green qui met le numérique au service du développement durable.

Les impacts environnementaux du numérique : entre déni et prise de conscience

« Il faut pousser l’ensemble du numérique à s’engager dans une voie plus vertueuse sur le plan environnemental. J’ai le sentiment d’avoir douloureusement échoué dans cette mission à l’époque où j’étais au gouvernement. Quelques années plus tard, j’ai l’impression que nous sommes toujours dans une forme de déni, ou du moins, un manque de maturité général sur le marché par rapport à d’autres industries dont les impacts environnementaux sont plus facilement identifiables », confie Axelle Lemaire, ex-secrétaire d’État au Numérique et à l’Innovation et directrice responsabilité d’entreprise et développement durable chez Sopra Steria.

« Il y a quelques années, on était encore dans le déni, probablement par méconnaissance. Mais aujourd’hui, il me semble que le secteur a pris conscience de la problématique », modère Véronique Torner, présidente de Numeum. Le syndicat professionnel des entreprises du numérique en France, qu’elle dirige, a défini trois priorités, dont celle d’un numérique responsable. « Ce n’est plus une option, mais un enjeu stratégique. Nous devons proposer un avenir du numérique à impact positif, sur le plan économique, social, sociétal et environnemental », affirme Véronique Torner.

La formation, clé de la transition pour le numérique

« Entre 25 et 50 % des salariés des entreprises n’ont jamais entendu parler du numérique responsable et seulement 6 % des entreprises ont prévu un budget sur cette thématique », rappelle Dominique Restino, président de la Chambre de commerce et d'industrie Paris Île-de-France. « Je pense qu’une partie de l’écosystème est en effet sensibilisée, mais que le grand public n’est pas encore assez au fait. Il ne faut pas oublier que 97 % des entreprises sont des PME et TPE qui comptent moins de 20 salariés. C’est notre rôle de soutenir ces entreprises, notamment dans leur démarche d’un numérique plus responsable », ajoute-t-il. À travers son pôle éducatif, la CCI Paris Île-de-France, forme chaque année 72.000 personnes aux enjeux liés au numérique responsable. « Nous travaillons en amont avec la jeunesse qui ensuite va irriguer partout », commente Dominique Restino.

La CCI a mis en place des actions de formation et d’accompagnement pour ses publics cibles que sont les commerçants et les TPE traditionnelles. Sa plateforme, les digiteurs.fr, accompagne ces publics à la transformation digitale. D’autres programmes ont également été mis en place comme Growth Startup ou encore Incuba’School, dédié aux entreprises à fort impact. Mais aussi des événements comme Techinnov, qui récompense notamment des initiatives autour du numérique responsable. L’initiative Planete take care pilotée par Numeum, et dont la CCI est partenaire, fédère, elle, des entreprises, des associations et des écoles, pour faire monter tous les acteurs du numérique en compétence sur le sujet du numérique responsable.

« Il n’y pas d’autre choix que de former en continu, en attendant que, progressivement, les nouveaux salariés arrivent avec un socle d’apprentissage solide », ajoute Axelle Lemaire. « Pour produire des services numériques plus vertueux, il faut que la question de l’utilité du service se pose bien en amont. C’est la règle de base du numérique responsable », poursuit-elle.

Le numérique responsable ne se limite pas à l’impact environnemental

Mais le numérique responsable ne concerne pas que les enjeux environnementaux. En France, en 2021, selon l’INSEE, 15 % de la population était en situation d’illectronisme. À ce sujet, Numeum a mis en place un partenariat avec France Travail pour éduquer au numérique des populations éloignées de l’emploi. Pour Véronique Torner, le numérique responsable doit être inclusif, accessible, de confiance et respectueux de l’environnement. Parmi la vingtaine de commissions mises en place par Numeum, une concerne l’inclusion numérique, l’autre les enjeux liés à l’environnement et une autre l’IA et l’éthique.

« Il faut aborder le numérique avec une approche pharmacologique : il est à la fois potion et poison. Nous en avons besoin pour réaliser la transition, c’est l’IT for green, mais il faut adresser la posologie et les effets de bord », partage Véronique Torner. « D’un côté, il faut diminuer l’empreinte carbone, de l’autre, on a besoin de la data et du numérique pour parvenir à mesurer. Il y a une face qui alourdit la dette et l’autre qui permet de faire la transition, il faut jongler entre les deux », abonde Axelle Lemaire.

Pour les panélistes, le numérique responsable est aussi gage d’excellence opérationnelle. « On ne pourra passer à l’échelle que quand on aura réussi à corréler business et RSE. Le numérique responsable doit devenir un enjeu stratégique pour les entreprises, c’est un facteur de compétitivité », souligne Véronique Torner. Pour être puissant et effectif, le numérique responsable devra donc devenir la nouvelle norme.