Ce n’est un secret pour personne, la scène entrepreneuriale tangue actuellement. Crise du financement, difficultés à lever des fonds tant pour les investisseurs que pour les entrepreneurs, fuite des talents, baisse du pouvoir d’achat, etc. Nous sommes loin des années fastes et des « trois glorieuses » de la French Tech. Ainsi, il semble qu’un nouveau cycle soit en train de s’ouvrir en 2024. Voici 6 observations qui mettent en relief ce changement de paradigme :
1/ Il y a une forte prise de conscience sur le manque d’acquisitions de sociétés tech en France. En 2023, le rapport d’Avolta souligne un exit moyen de 15 M€ avec un nombre d’opérations très faible. Un montant alarmant quand on sait qu’aujourd’hui, une société en série A est valorisée entre 20 et 30 M€. Face à ce constat, on peut tirer deux conclusions :
- Les VCs financent désormais des sociétés internationales par essence dans l’objectif de vendre un jour leurs participations à des multinationales souvent américaines ;
- Les modèles franco-français sont difficilement finançables.
2/ L’ère de la Climate-Tech et de la Health-Tech dure et devrait perdurer, ces deux secteurs connaissant un développement croissant et un intérêt toujours plus fort des investisseurs. Deux raisons expliquent selon moi cet engouement pour ces thématiques passionnantes :
- Les talents se dirigent massivement vers des sociétés qui « ont du sens » ;
- Les investisseurs institutionnels ont pour directive politique d’investir dans ces modèles (France 2030, plan TIBI, etc.).
3/ « L’ebitda devient roi » : les investisseurs financent des modèles qui peuvent rapidement être rentables. Le « quick commerce » a vacciné un grand nombre d’investisseurs qui recherchent des modèles économiques sains. Les récentes déconvenues de scale-up déposant le bilan après avoir levé des dizaines de millions d’euros achèvent de convaincre les investisseurs de se tourner vers des niveaux de risque plus faibles.
4/ Nicolas Dufourcq évoque de manière récurrente l’importance de la souveraineté industrielle : le ton est donné. La French Tech a clairement un rôle à jouer pour reconstruire et redynamiser l’industrie française. Les investisseurs financent de plus en plus de hardware, d’usines et d’infrastructures et s’éloignent (partiellement) des modèles logiciels. Cela entraîne plus globalement une spécialisation des investisseurs qui doivent comprendre et appréhender des technologies souvent pointues : chimie verte, nucléaire, hydrogène, quantique, etc.
5/ Les levées de fonds prennent deux fois plus de temps qu’en 2021 : un tour de série A peut durer 3 à 6 mois aujourd’hui. Les négociations sont souvent plus compliquées et de nouveaux termes défensifs ressurgissent, à l’image de « liquidations de préférence agressives » ou de « mécanismes de "ratchet" ». Les valorisations négociées sont souvent plus faibles, avec une dilution moyenne en série A de 27,5%. L’argent des VC coûte plus cher.
6/ Un mouvement de consolidation des investisseurs en capital-risque se dessine. Il est en effet de plus en plus difficile de lever des fonds dans le contexte actuel. Les performances ne sont pas au rendez-vous, car les exits significatifs se font trop rares (en 2023, 8 Mds d’euros ont été investis contre 7mds d’euros d’exit sur cette même année). Des fonds d’investissement mettent donc la clé sous la porte ou se font racheter un pourcentage de leur actif sous gestion. Grand gagnant de cette crise, le modèle club deal offre une véritable alternative pour les fonds et pour les entrepreneurs, car il permet une meilleure flexibilité. Les fonds bénéficient d’un outil qui permet d’investir sur plusieurs tours consécutifs des montants importants sans la contrainte d’une thèse d’investissement figée. Les entrepreneurs peuvent faire entrer indirectement au capital des investisseurs clés, notamment d’un point de vue business. Un modèle vertueux qui permet plus de souplesse tant pour l’investisseur que l’entrepreneur.