J’ai voulu que Urgo ait une culture d’assertivité (« affirmation de soi » est synonyme) : Avoir des relations sincères, fondées sur le respect de soi et de l’autre, tout en étant efficace dans son travail. Et pour cela, essayer au mieux d’éradiquer les trois poisons que sont les attitudes paillasson, hérisson et poisson.
Je ne connais personne qui veuille être traité comme un paillasson … et pourtant combien de fois assistons-nous à une réunion d’un ennui mortel, où rien ne se décide et ce, sans rien dire… ? Combien de fois acceptons nous un travail qui n’est pas au niveau, par résignation ou par crainte de l’affrontement ? Accepter de se comporter soi-même en paillasson, ce n’est pas se respecter.
C’est confortable immédiatement en évitant une situation désagréable, mais délétère sur le long terme : Petit à petit la performance se délite car la médiocrité s’est installée, elle s’est diffusée et a pris tout l’espace, sans même que l’on s’en rende compte.
Je ne connais personne qui m’ait dit « Je n’ai rien à faire des sentiments d’autrui, la seule chose qui m’importe, c’est moi, et moi seul ! Les autres n’ont qu’à s’adapter à moi ! ». Et pourtant, combien de mails sont lus et répondus pendant que quelqu’un présente son travail dans l’indifférence générale ? Combien de fois coupons nous la parole sans même vérifier que nous avons compris ce que l’orateur essayait de nous dire ? Combien de fois arrivons nous en retard à une réunion avec le traditionnel « j’ai été pris dans les bouchons », sans même nous rendre compte que c’est une agression envers ceux qui ont fait l’effort d’être ponctuels ?
Petites (ou grosses) agressions au quotidien, dans l’instant nous croyons gagner du temps (ou du moins notre temps) au détriment d’autrui. Cependant, ne pas respecter autrui c’est courir, non le risque, mais la certitude de n’être pas respecté en retour. Dès lors toute une ambiance passive-agressive s’installe : quiet quitting, démotivation, obéir strictement à la procédure tout en sachant que l’on va dans le mur…Surtout ne rien dire « au dirlo » comme dans une cour d’école. Démissions en silence. L’entreprise ne s’effondre pas, mais elle s’effrite sans bruit… jusqu’à disparaître.
Je ne connais personne qui, à la question : « Qu’attendez-vous de votre manager ? », m’ait répondu : « C’est bien simple : donnez-moi des objectifs les plus flous possible, ne m’expliquez aucune méthode, dites-moi que tout va bien, puis hurlez moi dessus de temps en temps ». Personne ne veut être fuyant, gluant comme un poisson, ni côtoyer de telles personnes. Et pourtant qui n’a jamais manipulé ? Tenté d’obtenir ce qu’il veut par des moyens détournés, en jouant sur l’éthique d'autrui ? « Tu as critiqué mon travail, donc tu penses que je ne vaux rien » c’est de la manipulation. « J’ai confiance en toi, je te demande ce surcroit de travail car tu es le seul capable » Idem. « Tu es gonflé d’avoir parlé au boss du problème de qualité sur le produit XYZ, on avait pourtant dit qu’on ne lui dirait pas ». Encore pire !
Certes, sur le court terme la manipulation est efficace : on amène petit à petit autrui à faire ce qu’il n’aurait pas fait sans. Mais sur le long terme c’est l’horreur. C’est l’attitude que j’exècre le plus. L’entreprise devient le temple des peaux de bananes sous les pieds, chacun passe plus de temps à se faire valoir qu’à effectuer son travail, l’atmosphère y est irrespirable sans que l’on sache pourquoi. Nombreux sont alors celles et ceux qui s’en vont respirer ailleurs.
Je n’ai pas essayé de lutter contre ces trois poisons, j’ai juste essayé de répandre partout chez Urgo une culture d’assertivité, pour tous, à tous les niveaux hiérarchiques, dans toutes les fonctions de l’entreprise : Savoir demander sans une tonne de justifications, dire non sans culpabiliser, savoir émettre une critique sans blesser, et surtout complimenter sincèrement. Prendre des décisions en arbitrant les risques, négocier en tenant compte de la position d’autrui, bref défendre ses convictions dans une attitude assertive a été un des piliers du succès du groupe Urgo.
Choisir la mesure par opposition au jugement, les faits par opposition à la dissimulation, la clarté par opposition à l’étalage jargonneux, la simplicité par opposition à la complexité, et l’assertivité par opposition à la manipulation. Tout cela s’apprend et se répand, à condition que ce soit une culture de toute l’entreprise.
En effet ce n’est hélas pas inné, pas naturel dans notre culture française plutôt axée sur le jugement global et éternel (« c’est nul » ou pire « il est nul »), sur le déni, sur le flou, sur le verbiage en « éléments de langage », sur la chaine passive-agressive tout le long de la hiérarchie.
Il existe ici ou là quelques ilots de résistance et je suis fier que le groupe Urgo en soit un.