« Je me lève le matin pour tenter de faire bouger les lignes sur les sujets de transition écologique, d'agriculture, d'investissement responsable. » C’est ainsi que se présente Marc Batty sur LinkedIn. L’entrepreneur, qui a toujours aimé “pêcher au bord des ruisseaux”, a découvert le métier d’ingénieur agronome à 12 ans. Quelques années plus tard, il passe par AgroParisTech, formation dont il est “ultra fier”. Aujourd’hui, il est président de Feve (ex-Fermes en Vie), entreprise qu’il a fondée en 2020 avec Vincent Kraus et Simon Bestel pour faciliter l'installation d’une nouvelle génération d'agriculteurs. A condition qu’ils s’engagent dans une démarche agroécologique, Feve permet à ces derniers de louer des fermes financées par des particuliers via une foncière solidaire.
En réalité, le parcours de Marc Batty est moins linéaire qu’il n’y paraît. Il commence sa carrière dans l’aquaculture et bifurque assez vite dans l’informatique. En quête d’autonomie, il cofonde en 2012 Dataiku, qui deviendra une licorne du big data, et en prend la direction commerciale. Les premières années lui plaisent particulièrement. Celles pendant lesquelles « tu crées énormément de choses, ton produit prend forme, tu réinventes tous les jours ta proposition de valeur ».
Marc Batty décide de changer de vie à 40 ans
Six ans plus tard, il a tout juste 40 ans, vient d’avoir un enfant et vit à New York. La startup a bien grandi et il est à la tête d’une équipe d’environ 80 personnes. « Je me sentais moins à l’aise dans cette phase de l’entreprise. Et, au même moment, j'étais en pleine prise de conscience écologique et un peu bouleversé par ce que je découvrais », se souvient-il. L’année suivante, il quitte opérationnellement Dataiku (tout en restant au board) et rentre en France. La décision n’a pas surpris Xavier Lorphelin, managing partner de Serena Capital, qui le connaissait déjà depuis des années, le fonds ayant investi chez Dataiku en seed. « Marc est un entrepreneur engagé et cohérent. C’était une continuité assez logique : il est revenu à ses passions d’origine. »
Florent Ducos, directeur d'investissement du fonds Impact de 50 Partners, le rencontre à cette période. « Il voulait nous rejoindre en tant que partenaire, mais notre cahier des charges était d'accepter uniquement des entrepreneurs à succès… dans le domaine de l’impact. Je lui ai dit qu’il n’y avait rien d’impact dans son profil. Il m’a répondu qu’il était agronome de formation et qu’avant de monter une boîte de data, il avait fait de l'élevage de truites ! »
Un portefeuille à impact
Marc Batty, qui a bien quelques compétences dans le domaine, rejoint donc 50 Partners Impact quelques mois avant de fonder Feve en 2020. Il est toujours business angel aujourd’hui, rôle qu’il adore. « C'est valorisant de pouvoir aider des entrepreneurs investis, avec une forte mission d'impact sociétal ou environnemental, à accélérer ou débloquer des situations. » Pour Florent Ducos, « quand on lance un projet à impact, on veut avoir le plus gros impact possible mais c’est impossible de tout adresser. Grâce à ses investissements, Marc peut multiplier les sujets adressés. »
S’il ne souhaite pas communiquer sur le nombre de startups dans son portefeuille, Marc Batty l’assure, 100 % de ses investissements sont naturellement tournés vers l’impact. « On ne peut pas se dire qu’on fait de l’impact pour diversifier un portefeuille. Mettre une ligne sur de l’impact et neuf lignes sur des investissements qui contribuent à détruire la planète, ça n’a aucun sens, s’indigne-t-il. Pour moi, quand on a de l’argent à investir, il est complètement irresponsable d’en mettre ailleurs qu’à destination de la transition. »
L’occasion pour le président de Feve de soulever une interrogation : « a-t-on besoin de plus de boîtes de software, de plus d'intelligence artificielle ? » Marc Batty n’est pas “un déçu” de la tech mais confie rester « très prudent par rapport à ce qu’elle peut apporter ».