La barre des 1 000 sociétés à mission a été franchie début 2023, selon KPMG, cabinet spécialisé dans l’audit. Un chiffre en constante augmentation. Fin 2021, la communauté des entreprises à mission en recensait moitié moins. Pour devenir une société à mission, il faut d’abord « définir une raison d’être », indique Alexandre Boucher, directeur commercial et marketing du cabinet de Saint Front, qui vérifie la qualité de ces entreprises. « L’objectif est qu’elle soit personnalisée et liée au domaine d’activité. Ce qui est valable pour Décathlon ne doit pas l’être pour une entreprise agroalimentaire », indique-t-il. Même si un quart des sociétés définissent une raison d’être sans lien direct avec leur activité, selon l’étude de KPMG.
Des objectifs inscrits dans les statuts de l’entreprise
La deuxième étape est de définir un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux, qui sont des déclinaisons de la raison d’être. « Si la société parle d’innovation, il faut définir au moins un objectif dans ce domaine. L’idée est aussi que les ambitions de l'entreprise puissent perdurer dans le temps. Elles seront par ailleurs inscrites dans ses statuts », détaille le directeur commercial du cabinet de Saint Front. Dans les faits, peu de sociétés à mission projettent leur démarche sur du long terme. « 50 % ont fixé une trajectoire au-delà du court terme pour au moins un de leurs objectifs opérationnels. Parmi ces 50 %, moins de un tiers des entreprises ont opté pour une trajectoire au-delà de quatre ans », souligne l’étude de KPMG.
La troisième étape pour les sociétés est de définir un comité de mission. « Il réunit des salariés de l’entreprise, des parties prenantes externes ou des personnes ayant une expertise sur des sujets précis, pour s’assurer que l’entreprise exécute bien sa mission », détaille Alexandre Boucher. La société doit ensuite définir un organisme tiers indépendant, capable de vérifier le respect des objectifs et leur cohérence, en lien avec la raison d’être de l’entreprise et de son activité. « L’idée est d’effectuer les vérifications tous les deux ans et de voir si les objectifs sont remplis », poursuit Alexandre Boucher. Seule obligation pour les entreprises : rendre public l’avis de l’organisme tiers indépendant. Toutefois, « aucune sanction n’a pour le moment été appliquée, faute de gendarme des sociétés à mission. »
Avec la certification B Corp, 200 à 300 critères pour mesurer son impact
La certification B Corp est, quant à elle, davantage exigeante. « Elle mesure près de 200 à 300 critères différents : émissions de gaz à effet de serre, gestion des déchets, écarts de salaires, inclusion…», énumère Thomas Breuzard, coprésident de B Lab France (B Corp). Les entreprises peuvent, tout d’abord, créer un compte pour mesurer gratuitement leur impact et se situer par rapport aux attentes du label. « Une fois ce test effectué, on peut se lancer et répondre aux 300 questions de B Lab, indique Thomas Breuzard. Pour les entreprises ayant l’habitude de centraliser et d’analyser leurs données, l’exercice est assez rapide. Pour les autres, cela prend plus de temps. »
La certification profite à la marque employeur
La phase suivante concerne l’audit. « Cela peut prendre six mois, voire plus d’un an pour les grands groupes », précise le coprésident de B Lab France. Ensuite, les sociétés sont réévaluées tous les trois ans. « Les niveaux d’exigence peuvent évoluer et une société peut perdre sa labellisation. » Sachant qu’en moyenne, le score des entreprises qui se présentent est de 50 alors qu’il faut obtenir 80 points pour être labellisé B Corp. Aujourd'hui, seule une entreprise qui se présente sur deux est labellisée.
Au total, 400 entreprises françaises sont certifiées, dont 100 depuis un an. « Il y a un intérêt de plus en plus important de la part des sociétés », souligne Thomas Breuzard. Dans un contexte de tension au niveau du recrutement, la certification profite à la marque employeur. Mais cela peut également permettre à la société de séduire de nouveaux clients. « Désormais, tout le monde comprend qu’il faut faire converger le business et les enjeux sociétaux », estime le coprésident de B Lab France, également à la tête de l’ESN Norsys, qui emploie 750 salariés. Une entreprise à mission, labellisée B Corp. « Les deux démarches sont très complémentaires, assure-t-il. Pour devenir une société à mission, on se projette dans le temps. Là où B Corp vient contrôler ce que vous avez fait dans le passé. »