« Descartes Underwriting, ce sont des gens de l’assurance qui se sont tournés vers la tech, plutôt que l’inverse », explique d’emblée Tanguy Touffut. Cet ancien d’Axa - il y a passé 8 ans - a bien vu les points d’amélioration sur lesquels une startup agile pouvait agir pour faire la différence. Mais là où beaucoup d’insurtech ont décidé de s’attaquer au marché du grand public, sa startup a privilégié le BtoB, en ciblant les (très) grands comptes, avec une offre centrée sur les risques climatiques (ouragans et cyclones, sécheresse, feux de forêt, tremblements de terre,...).
« Le segment des grands risques est peu modernisé. Par exemple, aux Etats-Unis, il faut en moyenne 550 jours entre la déclaration d’un sinistre et son paiement. C’est un monde généralement très litigieux et conflictuel, avec des contrats très complexes qui intègrent de plus en plus d’exclusions, surtout depuis le Covid », explique-t-il.
Descartes Underwriting s’engage sur une rapidité de paiement
Pour prendre le contre-pied, les mots d’ordre de Descartes Underwriting sont donc “transparence”, “rapidité de paiement” et “couvertures sur-mesure”. Pour cela, la startup s’appuie sur des données et des modélisations - sur lesquelles travaillent plus de 100 climatologues, data scientists et ingénieurs logiciel - ainsi qu’un principe : l’assurance paramétrique, qui implique que le remboursement à l'assuré s'effectue de façon automatique lorsqu'un événement défini à l’avance se produit.
« Le paramétrique nous permet de gagner en vitesse et en coût. Par exemple, dans le cas d’un feu de forêt, nous allons utiliser des données satellites au lieu d'envoyer des personnes sur place pour constater le nombre d’hectares concernés », explique le dirigeant.
L’approche “rétroviseur” ne fonctionne plus
Les données sont également utilisées en amont, pour “pricer” le risque et concevoir les offres. Là encore, Descartes Underwriting prend le contrepied du marché : « Avec le réchauffement climatique, on observe une augmentation de la fréquence des événements extrêmes. Pour les feux de forêt, par exemple, on est passé de 1 à 5 en 40 à 50 ans… Pour évaluer les risques, on ne peut pas avoir une approche ‘rétroviseur’ et regarder les 50 dernières années. » A la place, les équipes de l’entreprise s’appuient sur des modélisations qui prennent en compte « le cocktail de facteurs qui fait qu’il y a des feux de forêt ».
En cinq ans, avec ce modèle, Descartes a levé 141 millions de dollars, recruté 180 personnes et ouvert quatorze bureaux dans neuf pays. 400 grandes entreprises et institutionnels du monde entier sont désormais assurés grâce à son offre. En 2024, l’entreprise vise une croissance de plus de 50 %, pour dépasser largement les 200 millions de primes (dont plus du tiers viendront des Etats-Unis).
Appliquer les mêmes recettes au risque cyber
Une partie de la croissance viendra d’une nouvelle offre, puisqu’après les risques climatiques, l’entreprise veut maintenant appliquer les mêmes recettes au risque cyber. « Partout dans le monde, cybersécurité et climat sont dans le top 3 des préoccupations des gestionnaires de risques des grands groupes. Ce sont aussi des secteurs dont les acteurs historiques de l’assurance ont tendance à vouloir sortir. En Californie et en Floride, par exemple, beaucoup n’assurent plus les risques de tremblement de terre et de cyclone. »
Et d’ajouter : « notre succès est lié à notre capacité à mieux modéliser les risques, avec des données et des algorithmes plus puissants que les concurrents. Dans le risque cyber, nous nous concentrons sur les pertes d’exploitation subies dans le cas d’une attaque. »
Objectif : verser les fonds le plus rapidement possible à un client qui subit l’arrêt de son activité à cause d’une cyberattaque, « pour qu’il puisse rapidement rebondir : on ne peut pas être dans une situation où l’indemnisation arrive une fois que l’entreprise a fait faillite ». L’ambition ? Prendre 5% du marché français de l’assurance cyber dans les 18 prochains mois.
« Nous sommes aux premières loges pour voir à quel point tout s’emballe »
Pour accompagner cette croissance, la startup - « qui n’a aucun impératif de lever à nouveau des fonds » - prévoit 70 recrutements en 2024. Sur un marché du recrutement tendu, elle peut s’appuyer sur un argument : « Nous travaillons sur le grand défi du siècle : le changement climatique. C’est clairement le sujet le plus important pour l’Humanité, mais c’est aussi très anxiogène : nous sommes aux premières loges pour voir la rapidité du phénomène et à quel point tout s’emballe. »