Une présence dans plus de 1.500 villes réparties dans 26 pays en Europe, Asie Centrale et Afrique, 22 millions d’utilisateurs actifs, 60.000 livreurs, 4.200 employés… Le service de livraison rapide Glovo fait figure de rescapé dans le marché du “quick commerce”, où les faillites se sont multipliées après la frénésie d’investissements des années 2021-2022.
« Si nous n'avions pas vendu, nous aurions eu de gros problèmes »
Si Glovo - qui s’est lancé avant la vague, en 2015 - a survécu là où tant ont échoué, c’est avant tout pour une question de timing : la licorne espagnole a été rachetée en 2022 par l’allemand Delivery Hero, un géant de la livraison rapide coté en bourse depuis 2017 et présent aujourd’hui dans 70 pays avec des marques comme Foodora ou Foodpanda.
« Si nous n'avions pas vendu, nous aurions eu de gros problèmes, à la fois en termes de concurrence, de financement et de gestion de l'entreprise, notamment parce que nous aurions eu des investisseurs présents au capital depuis huit ans, qui auraient cherché à vendre leurs parts en faisant x2, x3 ou x5, alors qu’en réalité notre valorisation serait plus proche de x0,5 ou x0,25 », a expliqué Oscar Pierre, le fondateur de Glovo sur la scène de 4YFN.
C’est d’ailleurs sur la question des levées de fonds qu’il exprime ses seuls regrets. « Si c’était à refaire, je n’annoncerais pas nos levées de fonds, ou à peine. » Pour une raison simple : « le jour où vous annoncez que vous avez beaucoup d'argent en banque, c’est le début d’une cascade de microdécisions, où tout le monde cesse d'être “lean”, du réceptionniste au CFO en passant par le CMO. Tout le monde fait un peu moins d'efforts. »
Et d’ajouter également : « Je pense qu’une chose que je ferais différemment, c'est de contrôler la croissance et l'augmentation des coûts. Il y a tellement de pression qui vous pousse à grandir, à embaucher, à grossir… Tout le monde veut embaucher, tout le monde veut gérer des équipes plus importantes, tout le monde veut dépenser plus. Je pense donc que si je recommençais, je serais beaucoup plus conscient des inconvénients d'être gros. »
« La plupart des investisseurs ne comprennent pas qu’il faut trouver un équilibre entre “pousser” et “aider”»
Il faut dire qu’au fil des années, la startup avait réalisé 9 levées de fonds pour un total de 1,2 milliard de dollars. Avec en consécration, le statut de licorne, atteint en 2019. Oscar Pierre, qui dirige toujours l’entreprise, souligne au passage l’importance de s’entourer des bons investisseurs : « la plupart des investisseurs ne comprennent pas qu’il faut trouver un équilibre entre “pousser” et “aider”. Ils deviennent un peu envahissants et cherchent à avoir trop de pouvoir. »
Mais la vente au bon moment de l’entreprise ne signifie pas pour autant que tous les signaux sont aujourd’hui au vert pour Glovo. La filiale de Delivery Hero a affiché des pertes de plus de 420 millions d’euros en 2022 et 209 millions d’euros en 2023. En Espagne, l’entreprise est sous le coup d’une procédure judiciaire qui pourrait l’amener à payer 205 millions de dollars d’arriérés de cotisations sociales. En janvier, elle a échappé de peu à un premier versement de 64 millions d’euros, la justice espagnole reconnaissant qu’un tel montant pouvait mettre en péril la survie de l’entreprise.
Yellow, un fonds de 30 millions d’euros
Au lieu d’évoquer les sujets qui fâchent, Oscar Pierre préfère parler de Yellow, le fonds d’investissement qu’il a lancé avec son cofondateur Sacha Michaud. Doté de 30 millions d’euros, il vise à investir « des petits tickets entre 200.000 et 500.000 euros, avec un focus sur Paris, Barcelone et Madrid, même si nous regardons aussi des deals en Grande-Bretagne et en Allemagne ».
Le fondateur de Glovo se réjouit également de l’impact de son entreprise sur l’écosystème espagnol : « Pour moi, la réussite, c'est aussi l'héritage que nous laissons en termes de talents. Ce qui me rend vraiment fier, c’est de voir tous ces gens qui ont travaillé chez Glovo créer maintenant des entreprises ou être aujourd'hui à la tête d'autres startups. » De quoi lui donner à lui aussi l’envie de prendre le large ? « Je pense que les défis que nous avons à relever chez Glovo sont si passionnants que je vais y consacrer la plupart de ma vie. »