« C’est important pour moi d’avoir de l’ambition pour réussir mais aussi de rester humble. Quand je reviens à Lille, j’aime boire des bières avec mes salariés dans un bar de la Grand Place ». Emmanuel Debuyck, CEO d’Adwanted Group, connaît le succès - son entreprise est valorisée plus de 100 millions d'euros - mais il ne lui monte pas à la tête. Il occupe une partie de son temps en bénévolat à transmettre son expérience car « c’est presque un devoir de redonner quand on a réussi ».
Lillois d’origine et désormais New-Yorkais, il tient aussi à la richesse du mélange des deux cultures, entre pragmatisme français et ambition américaine. C’est ce qui explique selon lui, en partie, sa force de caractère et son état d’esprit (« soit on réussit, soit on apprend »). Une capacité de résilience qui lui a été d’un grand soutien tout au long de son chemin, qui n’a pas été linéaire.
Faire d’un traumatisme un moteur
Sa première aventure entrepreneuriale a en effet pris fin brutalement. Lancée alors qu'il avait 23 ans, l’agence de publicité Sioux a connu 15 belles années dans un marché pourtant très concurrentiel avant d’être confrontée à la crise financière de 2008. « Cette expérience m’a appris beaucoup : que pour créer sans expérience, il faut casser les codes, qu’il faut savoir s’entourer en termes de partage de pouvoir et ne pas tout vouloir régler seul, et qu’il faut faire du traumatisme d’un dépôt de bilan un moteur pour rebondir ».
Cette douloureuse expérience constituera en effet paradoxalement un véritable déclencheur pour lui. Il se lance dans la création de Adwanted quelques mois après, avec un autre trait distinctif de sa personnalité : la culture du risque. Sa volonté d’entreprendre est en effet née lors de ses études avec un livre dont cette citation lui est restée en mémoire : « la manière d’appréhender un risque, c’est notre capacité à revenir à l’état initial en cas de problème ». Fort de ce credo, la startup opte ainsi, après plusieurs pivots, pour une entrée sur le marché de la publicité via les médias traditionnels, télévision, radio, affichage, alors que le marché s’orientait massivement vers le 100 % digital.
L’idée était en effet d’appliquer les recettes du digital, acheter des espaces publicitaires via une plateforme, au monde du offline. Un vrai parti pris stratégique dans un secteur où les pratiques étaient encore, à cette époque, artisanales à base « de bons de commande et de papier carbone ». Ce positionnement à contre-courant met pourtant du temps à prendre, car il nécessite une masse critique entre offre et demande. Après quatre premières années sans presque aucun revenu, la bascule s’opérera avec l’acquisition de la société Carthage. Là encore, Emmanuel Debuyck prend un risque car sans fonds, l’opération est rendue possible via un crédit vendeur, donc un paiement sur les futurs bénéfices.
Un développement annuel à deux chiffres
Le pari est vite remporté puisque Adwanted multiplie par trois les profits de Carthage. Le remboursement est acquis au bout de trois ans au lieu des cinq prévues. L’entreprise connaît alors un développement important grâce à l’acquisition stratégique de neuf sociétés renommées et une croissance annuelle de 10 % en moyenne. Aujourd’hui, le groupe opère à l'international avec 160 salariés répartis entre les États-Unis, la France et le Royaume-Uni. Petit à petit, il se structure autour de son offre, les logiciels d’un côté pour l’efficacité des campagnes publicitaires, la data de l’autre avec l’analyse de données de ciblage. Adwanted est aussi devenu le fournisseur officiel des tarifs publicitaires pour les marchés qu’il a investis.
L’avenir ? En plus de l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché, l’apparition du retail media. « Nous assistons actuellement à un changement total de paradigme : on achète désormais de l’audience et plus une marque média », souligne-t-il. Reste le problème de la mesure de l’audience, qui n’est pas encore universelle. « On ne mesure pas l’audience de la même manière sur Google que sur TF1 et c’est là que nous avons une carte à jouer, car ceux qui ont maintenant le savoir, ce sont ceux qui maîtrisent les outils et la data ». Le sujet de l’intelligence artificielle est d’ailleurs devenu prioritaire chez Adwanted pour améliorer l’efficacité des campagnes. Nul doute que le flair et la détermination de Emmanuel Debuyck devraient les aider dans ce sens.