La crise du Covid a entraîné une prise de conscience à la fois politique, entrepreneuriale et citoyenne sur la nécessaire vitalité de l'industrie sur le territoire français. D’autant que « nous avons la chance en France de ne pas partir d’une feuille blanche, de bénéficier d’une longue histoire industrielle, mais aussi de savoir-faire et d’infrastructures. L’écosystème de recherches publique et privée y est aussi extrêmement qualitatif », souligne Jean-Philippe Thierry, vice-président de Start Industrie.
L’industrie en France représente en effet actuellement 3 115 000 emplois directs, 4 500 000 indirects. « Le solde entre ouvertures et fermetures d’usines était positif en France en 2022 de 70 unités, dont 35 issues de startups », se réjouit Jean-Philippe Thierry. Une dynamique positive qui donne de l’espoir, comme le confirme Jean Schmitt, président et managing partner de Jolt Capital, l’un des leaders de l’investissement dDeptech européen en growth : « la France est très bien positionnée en sociétés deeptechs, il n’y a aucune raison d’être pessimiste, mais il faut faire vite ».
L’industrie du futur sera pilotée par le cashflow et la data
Premier enjeu pour l’avenir de l’industrie : sa transformation digitale. Après la mécanisation, l’automatisation, la digitalisation doit aider le secteur dans sa capacité à prendre des décisions en temps réel. « Dans le futur, je pense que l’usine devrait être pilotée sur le cashflow avec une adaptation instantanée aux conditions de production en switchant d’un scénario à l’autre pour favoriser la réduction d’énergie, le maximum de tonnes, l’usage de matériaux recyclés ou autre », affirme Laurent Laporte, fondateur de Braincube.
Sur ce sujet, les révolutions en cours de l’intelligence artificielle, du big data et de l’IoT devraient participer à la transformation digitale de l’industrie. « Et quand on parle de IoT, c’est surtout la capacité de se connecter à n’importe quel objet, c’est-à-dire lui dire ce qu’on veut qu’il fasse réellement », précise Laurent Laporte.
L’industrie du futur sera verte et frugale
« Dans le futur, il y a une donne inéluctable : l’industrie sera moins énergivore, moins émettrice en carbone, c’est le sens de l’histoire et la feuille de route de toutes les filières », ajoute Jean-Philippe Thierry. Cette frugalité concerne aussi le foncier car l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) contraint aujourd’hui la consommation de terres naturelles et va amener les usines à réduire leurs empreintes, soit en s’élevant de façon verticale, soit en optimisant l’espace. De plus, « la quasi intégralité des solutions nécessaires à notre économie pour se décarboner viennent de l’industrie et des startups industrielles, présentes sur toutes les technologies qui répondent aux enjeux de demain », ajoute Jean-Philippe Thierry.
L’industrie du futur sera répartie sur l’ensemble du territoire
Autre tendance forte : associer l'État, les industriels et les élus locaux dans un travail de redynamisation durable des territoires français frappés par la désindustrialisation. C’est le sens du « Temps II » du programme « Territoires d’industrie » lancé en novembre 2023, qui intègre près de 183 territoires engagés jusqu’à 2027 pour une reconquête industrielle durable. « Éclatons l’industrie sur le territoire, là où elle est légitime pour faire vivre un écosystème industriel, des regroupements d’entreprises qui ont vocation à échanger entre elles, à mettre en commun des infrastructures ou de services par exemple », analyse Laurent Laporte.
L’industrie du futur a besoin de financement
Si le volume des levées de fonds en 2023 a beaucoup diminué, la part des startups industrielles a, elle, augmenté. Une bonne nouvelle d’autant qu’il existe beaucoup de dispositifs de soutien à la filière comme le plan France 2030, le crédit impôt recherche, Bpifrance, ou encore la Caisse des Dépôts. Mais « si la France finance très bien l’amorçage, elle pêche sur l’accélération, faire passer les startups à scale-ups, sauf sur certains secteurs », déplore Jean-Philippe Thierry.
Manque de culture industrielle de nombreux fonds d’investissement, problème du temps long et de l’intensité des CAPEX, autant de freins subsistent à l’accompagnement financier du futur de l’industrie. « Il faut que les fonds de pension et fonds d’assurance vie en Europe se débloquent pour aller financer la croissance réelle », plaide Jean Schmitt qui croit beaucoup à l’initiative Tibi. Elle consiste à mobiliser sept milliards d’euros de l'épargne des Français placée chez les investisseurs institutionnels pour le développement des entreprises technologiques de demain.