En six ans, le Crédit Agricole a donné naissance à huit startups, dont les trois quarts sont aujourd’hui toujours actives. Parmi elles, il y a Blank, la banque des professionnels désormais présente dans deux pays, Kolecto, un SaaS qui simplifie la gestion administrative et financière des TPE/PME ou encore Sline, une solution qui permet aux commerçants de proposer facilement des services de location à leurs clients.
Derrière ces fintech, c’est le startup studio du groupe, La Fabrique by CA, qui est à la manœuvre : il identifie les idées pertinentes et évalue leur potentiel, sélectionne les porteurs de projets et crée des startups. Celles-ci sont autant de filiales autonomes, qui disposent de leur propre compte de résultat. « Nous utilisons les mêmes méthodes que les entrepreneurs, avec une seule règle : que les projets entrent dans le cadre de la stratégie du Crédit Agricole », explique Laurent Darmon, qui a créé la structure et cumule les fonctions de directeur des Nouvelles Activités du groupe Crédit Agricole et directeur général de La Fabrique by CA.
Un modèle hybride entre salariat et entrepreneuriat
Concrètement, les CEO de chaque startup bénéficient de l’écosystème de la Fabrique by CA et de sa maison-mère pour développer leurs projets. Ils ne sont pas actionnaires de la startup qu’ils dirigent - le Crédit Agricole en détient 100 % - mais sont intéressés à sa réussite. « C’est un modèle hybride, entre le salariat et l’entrepreneuriat : ils sont accompagnés, touchent une rémunération équitable et peuvent bénéficier d’un bonus lié aux résultats qui va bien au-delà de ce qu’ils auraient dans le salariat classique. »
Pour les accompagner, une quinzaine de postes sont mutualisés pour traiter les questions financières, juridiques, marketing, communication, tech, risque ou RH communes aux différents projets. « Mais le cœur du startup studio, ce sont surtout des analystes, qui sont là pour identifier des pistes, explorer les idées, faire des études de marché », précise Laurent Darmon.
Développer un maximum de synergies
Le studio s’attache aussi à développer un maximum de synergies avec le groupe, en association avec la direction Nouvelles Activités, car l’objectif est bel et bien de connecter ce dispositif d’open innovation aux métiers existants. Le but ? Faire bénéficier les nouveaux projets des différents leviers du groupe (marque, expertise, technologie, réseau de distribution, etc.) pour accélérer leur croissance.
« La particularité de notre modèle c’est de créer des entreprises qui sont prévues pour être hybridées avec le groupe Crédit Agricole, ce qui nous conduit à travailler sur l'alignement avec le groupe dès le début. » À terme, les participations dans les startups créées par La Fabrique by CA sont destinées à être revendues au groupe, mais elles peuvent aussi accueillir à leur capital d’autres acteurs, quand cela est pertinent pour leur modèle. La Fabrique by CA, elle, a vocation à devenir autonome financièrement, en se finançant par ces ventes de participations.
Autre particularité : plus les startups se développent, plus les liens entre elles peuvent être développés, « alors qu’un startup studio classique ou un fonds d’investissement cherchera avant tout à investir dans des entreprises bien distinctes ».
Rachats et prises de participations
Outre la création de nouvelles entreprises de toute pièce, La Fabrique by CA prend aussi des participations - comme dans la startup canadienne Yapla, par exemple - et effectue des rachats - comme celui en 2022 de la solution de banque-as-a-service Okali (anciennement SFPMEI). Le recours aux acquisitions et aux prises de participation pour développer de nouvelles activités en limitant les risques devrait s’accélérer : nous avons été prudents dans les acquisitions quand le marché était un peu fou sur les valorisations. « Aujourd’hui que le marché devient plus raisonnable, ce serait absurde de ne pas regarder les opportunités. »
Worklife, racheté en septembre 2023, est l’exemple d’une telle opportunité réalisée avec Crédit Agricole SA : alors que l’équipe de la Fabrique by CA étudiait le marché des avantages salariés, le dossier de cette startup, créé deux ans plus tôt, a suscité l’intérêt du groupe. L’ambition est désormais d’en faire un axe central de “la banque des RH” en s’appuyant pour cela sur le réseau de distribution du Crédit Agricole auprès des entreprises et sur ses expertises financières au service des DRH. « La crise actuelle des fintech montre que les modèles dans ce secteur sont encore en cours de définition », conclut Laurent Darmon, qui compte bien contribuer à structurer ce marché qui est encore loin d’être arrivé à maturité.