Depuis plusieurs mois, un sujet faisait débat dans l'écosystème des startups. L’administration fiscale avait statué que le gain résultant de l’apport de titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) ne pouvait pas bénéficier du mécanisme du sursis d’imposition prévu par l’article 150-0 B du Code Général des Impôts. Une décision fortement contestée par l’écosystème et qui avait fait l’objet de plusieurs recours pour excès de pouvoir auprès du Conseil d’État, notamment de la part des cabinets INLO et Reinhart Marville Torre.
Le lundi 5 février dans la soirée, le Conseil d’État s’est prononcé en faveur des détenteurs de BSPCE : ils peuvent bien apporter les actions issues de l’exercice de BSPCE a une holding en bénéficiant du sursis d’imposition. « La décision rendue par le Conseil d’État est assez courte et va droit au but. Elle vient censurer la doctrine de l’administration fiscale comme si elle n’avait jamais existé », commente Pierre Bonamy, associé chez Reinhart Marville Torre. « Les conclusions du rapporteur public étaient déjà claires, il n’y a qu’un gain unique sur les BSPCE, il n’y a donc aucune raison de priver les détenteurs du sursis d’imposition », ajoute Chris Hannetel, associé chez INLO.
Les détenteurs de BSPCE ont les mêmes droits que les actionnaires classiques
Ces derniers temps, il semblerait que l’administration fiscale soit sortie de son rôle, nuisant à l’attractivité des BSPCE. « En peu de mots, le Conseil d’État vient dire que l’administration fiscale va au-delà du texte de loi. Elle avait donné une interprétation restrictive alors que ce n’est pas son rôle. La décision du Conseil d’État est de la même teneur que celle rendue au sujet du PEA : si le législateur n’interdit pas, ce n’est pas à l’administration fiscale de le faire », analyse Pierre Bonamy.
Tout comme le recours pour excès de pouvoir qui vient d’être gagné concernant l’autorisation pour les bénéficiaires de BSPCE à exercer leurs bons dans un PEA, cette décision du Conseil d’État vient donc redonner leur pleine attractivité aux BSPCE. « Les BSPCE sont un outil d’attractivité pour les jeunes entreprises innovantes en France. Ils permettent notamment de compenser des salaires parfois moins attractifs. Il est donc important de ne pas pénaliser fiscalement les détenteurs de BSPCE », rappelle Damien Basson, associé chez INLO. « C’est le moment d’enfin dire que les détenteurs de BSPCE sont des actionnaires classiques et qu’ils ont les mêmes droits. Les BSPCE ne sont pas un gain salarié, mais des valeurs mobilières », ajoute-t-il.
En plus de la question du sursis, était posée en creux celle du report. « La décision rendue par le Conseil d’État indique que tout le régime de l’article 150-0 A, qui englobe le sursis et le report, est concerné. C’est une très bonne nouvelle ! », s’enthousiasme Damien Basson. Concrètement, cette décision redonne aux détenteurs de BSPCE la possibilité de recourir à des stratégies fiscales comme des actionnaires classiques. Ils pourront par exemple participer au LBO de leur société en apportant des actions issues de BSPCE, faire des apports-cessions et même des donations-cessions, autrement-dit des stratégies qui permettent de s’exonérer de l’impôt sur les plus-values sous réserve de respecter certaines conditions légales.