« Nous avons conscience des écarts de genre dans l'entrepreneuriat mais ces chiffres permettent d'apporter du tangible », promet Marie Georges, présidente de l'accélérateur Willa, avant de dévoiler une étude menée en collaboration avec France Digitale et Roland Berger auprès de 500 entrepreneur.e.s partout en France. À ses côtés, Maya Noël (directrice générale de France Digitale) et Laurent Benarousse (Managing Partner chez Roland Berger) se félicitent également de pouvoir « confirmer et factualiser » leurs intuitions.
En effet, l'étude permet de dresser un panorama de l'entrepreneuriat en France en identifiant les ressorts de la création d’entreprises innovantes. On apprend que les profils, féminins comme masculins, sont particulièrement diplômés : plus de 70% du panel ont au moins un niveau Master et 25% sont issus d’une famille avec au moins un parent entrepreneur. Plus de la moitié des répondants se sont également identifiés à un profil « initié à l’écosystème tech », autrement dit des citadins issus de grandes villes et surtout à l’aise avec les codes de l’entrepreneuriat, le networking et les outils numériques.
Des femmes qui se lancent plus tard dans l'aventure entrepreneuriale
L'étude souligne aussi que les femmes se lancent plus tard que les hommes dans l'aventure entrepreneuriale. Si 75% des hommes se sont lancés avant d'avoir 10 ans d'expérience en entreprise, les femmes, elles, sont 56% dans ce cas. Cela signifie d'une part que les femmes expriment le besoin de faire leurs preuves dans le monde professionnel avant de devenir entrepreneuses. Le syndrome de l'imposteur persiste et affecte aujourd'hui encore les femmes dans leur progression de carrière.
D'autre part, des raisons personnelles sont aussi en jeu : un tiers des femmes décident de fonder leur entreprise après avoir eu un enfant, contre seulement 1 homme sur 5. La maternité continue donc d'impacter le parcours entrepreneurial des femmes car ces dernières ont tendance à privilégier la mise en place de leur vie familiale avant toute chose.
Autre facteur déterminant dans le déclenchement de la création d'entreprise : les femmes semblent attendre un moment clé dans leur vie professionnelle pour se lancer. Si 1 homme sur 5 manifeste une vocation entrepreneuriale comme raison première d'un lancement, aucune femme ne fait mention de cette vocation. Et pour cause : 28% des femmes entreprennent après un licenciement ou une démission (contre 11% pour les hommes) et ces dernières sont 2 fois moins susceptibles d’avoir un profil multi-entrepreneurial. En effet, seules 27% d’entre elles avaient déjà fondé une startup auparavant, contre 52% chez les hommes.
Des visions entrepreneuriales très différentes
C'est la quête de sens qui semble a priori pousser les femmes à entreprendre : elles sont en tout cas 19% à avoir exprimé cet avis, contre 13% d'hommes. Et cela se remarque dans les secteurs plébiscités car le développement durable est le premier secteur d'activité des femmes entrepreneuses alors que les hommes sont en majorité investis dans des projets fintech. De manière générale, la somme des secteurs dits "à impact" représentent 56% des projets des femmes contre 19% chez les hommes.
De la même manière, l'argent n'est pas le moteur principal des femmes qui ne sont que 6% à déclarer se lancer uniquement pour en gagner, alors qu'un quart des hommes l'affirment. De plus, la rentabilité et la recherche de croissance organique font partie des priorités des femmes avant la levée de fonds (77%) tandis que le premier critère des hommes reste l’acquisition du leadership dans leur secteur (65%). Une priorité bienvenue au vu du contexte persistant de resserrement des financements des startups qui signe la fin de l'argent facile.
Des accès aux fonds toujours inégaux
Les recours aux tours de table sont aussi inégaux et les femmes sont d'ailleurs bien plus tentées de s'adonner au crowdfunding, notamment pour conserver le contrôle de leur entreprise. C'est bien sur ce terrain du capital-risque que les écarts se creusent le plus : les hommes réalisent plus de 2 fois plus de levées de fonds que les femmes (40% pour les hommes face à 17% pour les femmes) et le seuil du million d’euros levé n’est franchi que par 22% des femmes, contre 40% des hommes.
De plus, aux prémices de leur projet, les femmes se lancent souvent avec un capital inférieur à celui des hommes. Et ce sont notamment les inégalités salariales qui accentuent ce problème : 50% des femmes se lancent à moins de 40 000 euros de revenus annuels alors que 50% des hommes se lancent à moins de 60 000 euros.
Face à ce constat, les auteurs de l'étude conseillent surtout aux entrepreneuses de bien s'entourer pour réussir et appellent les structures de financement à mieux se former aux biais de genre ainsi que de créer des véhicules spécifiques pour financer des projets plus divers. À destination des pouvoirs publics, l'égalisation du congé parental est mis sur la table ainsi qu'une fiscalité avantageuse pour les entreprises fondées par au moins une femme. Une idée de subvention spécifique est aussi conseillée à Bpifrance pour les organisations dirigées par au moins une femme afin de compenser les écarts de fonds propres à la création d’entreprise.