Maddyness : Comment se porte l’Agritech actuellement ? Est-ce que les levées de fonds repartent ?
Lionel Artusio : La rapidité des levées de fonds est moins importante qu’il y a deux ans. Il faut montrer des deals qui fassent sens, surtout dans un secteur comme le nôtre, où la partie Foodtech a connu des valorisations un peu folles ces dernières années... Les investisseurs sont assez précautionneux sur ces sujets. On revient néanmoins à une situation normale. La situation post-Covid ne l’était pas du tout. Il y avait une faculté à lever aussi bien côté sociétés non rentables que fonds sans track record. Il y a une correction aujourd’hui, il faut passer à travers mais c’est une bonne chose.
Stratégiquement, il était important pour nous de nous adosser à une plateforme d’investissement avec un track record dans le private equity comme Mirabaud. Nous opérons deux levées de fonds pour des sociétés françaises agricoles (30 millions d’euros de levée globale pour l’une et 5 millions pour l’autre).
Quel est l’enjeu majeur pour le Venture Capital selon vous cette année ?
Il s’agit avant tout de regagner la confiance des investisseurs. Dans le secteur agricole et alimentaire, énormément de fonds se prétendant “Climate” ont réussi à lever des sommes importantes mais les ont investies au mauvais moment dans les mauvaises sociétés… Il faut montrer notre capacité à investir dans des secteurs qu’on maîtrise. C’est la fin des fonds agnostiques généralistes et l’émergence de fonds spécialisés. On doit avoir une connexion avec le terrain mais aussi avec les corporate. Dans notre secteur, si on n’est pas liés aux grands groupes de ce monde comme Nestlé, Unilever, DSM, on ne maîtrise pas les exits de nos sociétés. Les deux licornes du secteur agricole sont Monsanto et Dupont, qui sont les seuls à avoir dépassé les 1 milliard de valorisation…
Le métier de VC doit-il se réinventer ?
Aux Etats-Unis, le pourcentage de fonds VC qui sont dirigés par des ex-entrepreneurs est très élevé. En Europe, nous sommes à moins de 10% ! Comment être légitime à aider et à amener une société de A à Z si on n’a pas vécu les enjeux auxquels elle doit faire face ! Beaucoup plus d’entrepreneurs à succès devraient s’intéresser au monde VC parce que c’est un partage d’expérience important. Faire de l’investissement pour faire de l’investissement, nous en sommes tous capables, le plus compliqué c’est post-investissement. Les VC doivent devenir des opérateurs pour faire grandir la confiance de cette classe d’actifs dans le private equity.
Quelles sont les sujets stratégiques à suivre selon vous dans le secteur Agritech ?
Nous misons sur les innovations technologiques dans le secteur de l’agroalimentaire visant à lutter contre le changement climatique et à réduire notre impact sur l’environnement (un marché estimé à 700 milliards de dollars d’ici 2030, ndlr). L’enjeu est de financer le système complet, de l’agriculture à l’alimentation. C’est une question fondamentale en termes de préservation de la biodiversité, de l’alimentation mondiale et de la santé des sols. Aujourd’hui, 60% des terrains agricoles en France ne sont plus en capacité de produire. En Suisse, c’est deux-tiers. Il faut avoir une disruption raisonnée, adaptée aux fermiers et aux réalités de terrain et s’inspirer des solutions basées sur la nature. Nos trois secteurs ciblés sont l’agriculture de précision, l’alimentation alternative et le recyclage/circularité. Les algues sont par exemple un vrai sujet au potentiel énorme, qui touche différents secteurs comme la cosmétique, l’alimentaire ou l’agriculture.