Pendant leurs jeunes vacances estivales, le montpellierain Jérémie Adjedj et son frère Sébastien travaillaient dans le magasin de literie de leur oncle pour se faire un peu d’argent. « En 2016, il nous a chargé de récupérer une vingtaine de matelas dans un hôtel de luxe. Ils étaient en bon état mais à ce moment-là, il n’y avait pas le réflexe de recycler et reconditionner », se souvient Jérémie Adjedj. Les deux frères ont vu le gâchis de les jeter et ont préféré revendre les matelas, utilisés pendant à peine deux ans, sur Leboncoin.
En parallèle, Back Market commence à se faire connaitre et le reconditionnement entre peu à peu dans le vocabulaire populaire. « J’ai trouvé que c’était une bonne idée à appliquer au matelas pour leur donner une seconde vie. » De ce concept nait Ecomatelas en 2017, qui associe les deux frères et leur oncle. Pendant un an et demi, ils travaillent sur leur concept, cherchant la meilleure méthode pour rénover et reconditionner un matelas.
Un procédé breveté pour se débarrasser des punaises de lit
La startup imagine un procédé innovant au cours duquel elle déshabille le matelas pour garder l’intérieur, aussi appelé l’âme du matelas. Ecomatelas s’attache ensuite à retravailler ce poétique élément, qu’il soit en mousse, en latex ou encore à mémoire de forme. « Nous ne gardons que les parties en bon état comme on le fait quand on mange un fruit abîmé en coupant la partie endommagée. Il garde quand même ses propriétés. Ensuite on enlève de l’épaisseur et on utilise une colle naturelle pour assembler plusieurs anciens matelas afin d’en fabriquer un neuf. »
Ferme ou mou, plus ou moins épais, haut de gamme ou pas, Ecomatelas veut répondre à tous les goûts et tous les budgets. « Après le réassemblage, nous utilisons une machine de désinfection qui arrive à un résultat de 99,9 % équivalent aux normes hospitalières. » Là encore, pour trouver la bonne technique, Ecomatelas a testé l’infrarouge, la vapeur, la congélation ou encore le micro-onde industriel. « Finalement, nous utilisons l’UV pour faire de la désinfection de surface et de la chaleur à plus de 85 degrés pour éliminer les acariens et les punaises de lit. » Développée avec l’institut national et européen de lutte contre la punaise de lit et sa base de recherche, le procédé d’Ecomatelas a été attesté par le bureau Veritas et breveté en 2022. Pour le créer, la startup a investi 400 000 euros grâce à des subventions et une levée de fonds.
Un développement annoncé
Dès 2018, Ecomatelas reconditionne entre 200 et 300 matelas par mois. L’entreprise en vend désormais environ 600 chaque mois, réalisés à partir du triple de matelas recyclés. « Notre machine a une capacité de 1 100 matelas par mois que nous pensons atteindre en 2026. » D’abord plébiscitée par les particuliers qui profite de prix 50% inférieurs au marché du neuf, la startup doit de plus en plus répondre aux professionnels. En 2024, Ecomatelas espère que son chiffre d’affaires reposera à 40% sur cette clientèle en pleine expansion. « Nous avons trois sources d’approvisionnement : l’hôtellerie et le tourisme, les fabricants de literie qui ont des fins de série, des chutes de production ou des retours clients ou enfin les acteurs de la filière française des matelas. Nous sommes un exutoire pour l’ancienne literie. »
En parallèle, l’entreprise prévoit d’ouvrir une deuxième boutique en avril 2024 à Fresnes pour commencer à répondre à une problématique de logistique. « Pour livrer nos clients au nord du pays, nous pensons installer une nouvelle ligne de production en 2026 en Ile-de-France. » Pour accompagner son développement, qui se traduit par un chiffre d’affaires qui a doublé entre 2022 et 2023 et atteindre deux millions d’euros, Ecomatelas recrute afin de renforcer son équipe de dix salariés.
Le succès du concept n’a par ailleurs pas échappé à Recyc’Matelas Europe, leader français du recyclage des matelas, qui a racheté la startup en février 2023. « Nous avons gagné en compétences industrielles et pourrons nous appuyer dessus pour notre future usine. Nous avons aussi accès à un plus grand gisement de matelas", précise Jérémie Adjedj, désormais directeur général.
En 2024, Ecomatelas vise un chiffre d’affaires de 2,9 millions d’euros et entend réduire encore l’empreinte carbone de la filière. « Chaque matelas neuf fabriqué représente 288 kilos de CO2 car il faut extraire de la matière comme le latex en Amazonie. » En 2023, la startup assure avoir permis l’économie de 1 500 tonnes de CO2 quand un matelas enfoui mettra 100 ans à se dégrader.