2024 sera-t-elle une bonne année pour le business ? C’est la question cruciale qui anime les 3200 professionnels du private equity réunis à Cannes pour la 10e édition de l’IPEM, cette semaine. Surtout après un cru 2023 qui a vu les montants levés par les startups baisser de 36% en France (et de 45% en Europe selon Pitchbook)… Néanmoins, selon AlixPartners, "le regain d’optimisme et les recherches d'opportunités plus créatives laissent penser que 2024 pourrait représenter un bon cru pour les volumes d’opérations et le déploiement de capitaux, avec des niveaux de confiance atteignant ceux de 2021, année record de transactions dans le capital- investissement ».
Même sentiment pour Bertrand Rambaud, président de France Invest. « Après 10 ans de croissance soutenue, l'activité s'est ralentie en 2023 mais ne s’est pas arrêtée : la situation est très différente de 2008, où le marché s'est arrêté soudainement et violemment. Pour 2024, il faut être confiant », a-t-il déclaré dès l’ouverture de la grand-messe du capital-investissement.
Le dirigeant s’appuie sur la résilience des 420 sociétés hexagonales : « Il s'agit d'une industrie solide, qui répond aux besoins des LPs (Limited Partners) et de plus de 8 000 entreprises. Sachant que le potentiel d'augmentation de ce nombre est d’au moins 50 %... » Une confiance partagée au niveau européen par les gérants de fonds si l’on en croit les résultats de la sixième enquête annuelle sur le private equity, réalisée par l’IPEM et le cabinet de conseil en gestion AlixPartners* auprès de 157 gérants (General Partners) et 14 associations professionnelles européennes.
Le top 3 des secteurs où miser
Les acteurs redoutent, certes, un environnement complexe en matière de cession, de forte valorisation ou encore un levier excessif, tout comme des risques de troubles géopolitiques – avec des élections des deux côtés de l'Atlantique -, et son lot de troubles sociaux. Mais l’optimisme est de mise. 56% des fonds espèrent ainsi davantage d’opportunités de deals cette année. Ce chiffre atteint même les 65% dans le buyout.
« Ce n’est pas la méthode Coué. L’industrie a su s’adapter à l’inflation, aux hausses des taux. Elle a conscience que les levées de fonds sont difficiles et élargit les sources de financement. Le marché ne peut pas rester bloqué, les portefeuilles ont besoin de respirer, les LPs veulent des distributions», commente Nicolas Beaugrand, partner et managing director d’AlixPartners, qui voit davantage de créativité dans les modèles de transaction. Les voies de sorties et de liquidités privilégiées par les GPs sont les cessions à des corporate ou à un autre fonds, mais aussi le recours au marché secondaire ou encore la fusion. « Les fonds recherchent des solutions sur-mesure. »
Quant aux secteurs ciblés, « cette année, il y a un peu de changement avec une refocalisation sur des actifs plus tangibles et résilients pour les fonds de buyout », analyse Nicolas Beaugrand. « L’IT perd 12 points dans les marques d’intérêts et priorités et la pharmacie remonte largement en tête dans les priorités du buyout. Grande nouveauté, les actifs industriels remontent (à 54% contre 20% il y a deux ans), ex-aequo avec les business services. »
Les sociétés de capital-risque manifestent moins d'intérêt pour les cibles liées à l'IA et aux mégadonnées, qui étaient au centre de l'attention et des discussions en 2023. Ces secteurs restent néanmoins en tête pour les fonds de Venture Capital, avec la santé et la Medtech ainsi que la Clean/GreenTech.
Pour le capital de croissance, l'IA et les mégadonnées passent de 55 % à 42 %, tandis que la technologie propre et verte devient la cible d'investissement la plus attractive, augmentant légèrement de 43 % à 47 %. « Les gestionnaires vont cibler différemment le type d’actifs et se concentrent sur la thèse d’investissement en regardant de plus près la croissance mais aussi l’amélioration de la marge sur le travail de l’actif, la transformation des organisations, l’amélioration de performance des opérations, de la supply chain, en amont du deal », ajoute Nicolas Beaugrand.
Une levée de fonds qui reste difficile
Petit bémol de l’étude : selon les professionnels interrogés, il restera difficile de lever des fonds en 2024. Les fonds de capital-risque et de croissance sont particulièrement préoccupés par leur capacité à lever des fonds. Les efforts de collecte seront axés sur le retail investment, les family offices, les fondations, et les personnes fortunées (HNW), incitées, compte tenu de la volatilité observée sur les marchés, à élargir leurs portefeuilles vers des classes d'actifs alternatives. Géographiquement, la recherche d'investisseurs continue de s'étendre à l'étranger (Moyen-Orient, Asie, Amérique du Nord).
Cette collecte de fonds s’opère dans un contexte particulier : pour 83% des sondés, l'influence des LPs augmente au point où l’on s'attend à ce qu’ils dirigent le marché du capital privé en Europe. « Le rapport de force s’est inversé. Les LPs ont toutes les cartes entre les mains et sont en situation de force », souligne Nicolas Beaugrand. En septembre dernier, les allocations sur les douze prochains mois étaient estimées à 140 milliards d'euros, selon une autre étude menée par l’IPEM et AlixPartners auprès de 2.000 General Partners et Limited Partners français et internationaux.