La comparaison revient avec la régularité d’une horloge : Latitude serait le SpaceX français et Stanislas Maximin, CEO de Latitude, notre Elon Musk national. « Cette comparaison avec SpaceX est extrêmement flatteuse : c’est la plus belle boîte du secteur, en termes de capacité de développement, d’efficacité capitalistique, de complexité des produits développés et d’impact sur le secteur spatial », reconnaît le cofondateur de la startup rémoise.

« Mais on n'est pas une boîte de 15.000 personnes en train de développer une fusée qui envoie 150 tonnes dans l’espace. Par contre, là où je pense que les gens font aussi l’amalgame, c’est le fait que l’on reproduit ce qui s’est passé aux États-Unis dans les années 2000-2015, avec un nouvel entrant qui n’est pas soumis aux mêmes règles que les autres, qui n’a pas son expérience, mais qui n’a pas non plus sa lourdeur. On est clairement là pour essayer de casser les codes. »

Il évacue pourtant très vite la comparaison avec Elon Musk, se présentant comme moins riche et moins lunatique, faisant référence aux nombreuses frasques entourant le milliardaire.

Les grandes ambitions de Latitude

La startup française ne cache donc pas ses ambitions dévorantes sur le secteur. « D’ici 10 ans, moi je veux que Latitude soit le leader européen de l’accès à l’espace. Puis que l’on puisse rentrer en concurrence avec le monde entier d’ici 15 ans », annonce Stanislas Maximin.

Pour remplir cet objectif, Latitude ambitionne de pouvoir programmer 50 décollages par an. Un lancement par semaine sur des fusées plus petites et entièrement réutilisables qui seraient mieux adaptées à la demande actuelle. « La technologie a permis de rapetisser la taille des satellites, mais les fusées sont restées très grandes. C’est comme si vous deviez transporter des colis de 4 kilos avec un camion de 24 tonnes dans Paris. Vous allez avoir un problème évident de délai de livraison mais aussi d’adaptation des coûts. » Latitude permettrait ainsi à ses clients de déployer une flotte de satellites en quelques semaines, là où cela peut prendre plusieurs années auprès d’acteurs traditionnels.

Ces prouesses ne sont que sur le papier pour l’instant, mais Stanislas Maximin ne demande qu’à faire ses preuves.

Une série B qui ne sera pas suffisante

Latitude annonce ce matin une levée de fonds d’environ 27 millions d’euros auprès de ses actionnaires historiques (Crédit Mutuel Innovation, Expansion, Bpifrance via French DeepTech et UI Investissement), mais aussi quelques nouveaux (Blast.club. Kima Ventures).

« Le but, c’est de supporter l’entreprise dans ce qui va être une année charnière. En 2024, on va finaliser le design de toutes les pièces du lanceur. On va aussi assembler le premier et le deuxième étage de la fusée en vue de test sur nos bancs d’essai en 2025, et d’un premier lancement fin 2025 », explique Stanislas Maximin.

Mais le dirigeant reconnaît que cette nouvelle levée ne sera pas suffisante pour financer l’entreprise jusqu’à ce premier lancement. De ce fait, à peine annonce-t-il celle-ci qu’il doit se remettre en ordre de bataille pour préparer la levée suivante. « C’est ma vie depuis 3 ans, plaisante-t-il. Mais je ne me plains pas. On n’a pas un runway de 24 mois, mais je crois que c’est quand on est sous tension que l’on doit trouver des solutions plus intelligentes et moins chères. Si tu me donnes 100 millions d’euros, honnêtement, je ne pense pas que ma fusée décolle plus vite. Ce n’est pas le meilleur modèle, mais c’est ce qui a forgé notre résilience, notre persévérance et notre capacité à faire beaucoup avec très peu. »

L’argent n’a jamais été gratuit dans le spatial

La fin de l’argent gratuit. Une expression que l’on peut régulièrement entendre dans l’écosystème pour désigner la situation actuelle concernant les levées de fonds. « L’argent n’a jamais été gratuit dans le spatial, explique Stanislas Maximin. Donc cela ne change pas notre vie. Cela n’a jamais été facile de trouver de l’argent dans ce secteur : entre les fonds pour lesquels cela est très éloigné de leur thèse d’investissement, ceux qui ont déjà mis un ticket sur une entreprise dans le spatial et qui ne vont pas mettre dans une deuxième pour gérer leur risque. Cela oblige à aller chercher des fonds assez jeunes, ou des fonds spécialisés ou evergreen. Ce n’est pas pour rien que nous avons deux fonds evergreen dans nos investisseurs et un fonds long terme. »

L’entrepreneur pense néanmoins avec envie au moment où il pourra s’autofinancer. Il lui faut encore prouver la fiabilité de ses fusées avec quelques lancements. Latitude se targue pourtant d’avoir un pipe commercial de plusieurs centaines de millions d’euros. « On veut participer à créer une nouvelle ère spatiale qui va nous permettre d’améliorer la vie sur Terre pour toute l’humanité », affirme le CEO de Latitude.