Maddyness a reçu dans ses bureaux Alexandre Laing et Alice Lauriot dit Prévost pour évoquer l’évolution de Tudigo. Il n’aurait manqué que Stéphane Vromman pour réunir le trio des cofondateurs de la plateforme de financement participatif. L’occasion de faire un retour d’expérience sur un moment qui aurait pu causer la fin de l’aventure en 2020, mais aussi sur les plans de l’entreprise pour l’avenir.
Maddyness : Comment l’histoire a-t-elle commencé pour Tudigo (anciennement nommé Bulb in Town) ?
Alexandre Laing : Je connais Stéphane (Vromman) depuis l’école (ESCP Europe) où on avait été coloc’. On discutait autour d'une bière de ce que l’on faisait à ce moment-là. Lui était entre deux jobs, il cherchait à changer un peu de secteur. Après avoir fait du conseil en stratégie, il cherchait à rejoindre une boîte dans le digital pour faire du business développement. Je lui dis : “écoute, je suis en train de bosser sur un truc digital, si tu veux venir me rejoindre en attendant de trouver ton job, ça sera toujours un truc à raconter sur ton CV”. Je commençais tout juste à travailler sur la plateforme, il n’y avait pas grand-chose. On s'est directement associé à 50-50 et on s’est lancés dans l’inconnu. Mais l'idée nous plaisait bien de financer des TPE grâce à la participation des gens du coin.
M : Alice, comment êtes-vous devenue la troisième du trio qui forme aujourd’hui Tudigo ?
Alice Lauriot dit Prévost : Je travaillais chez L’Oréal, en marketing pour La Roche-Posay. J’étais sur la gamme maquillage pour les femmes après leur chimiothérapie. En side project, j’ai commencé à bosser sur un projet entrepreneurial : un réseau social de voisinage. Quand j’en parle à une copine, elle me dit que je dois absolument rencontrer Alexandre et Stéphane puisqu’ils travaillent aussi sur comment recréer du lien social à échelle très locale. On prend un café en juillet 2015 et il apparaît très vite qu’ils leur manquent un troisième profil avec une compétence beaucoup plus marketing : quelqu’un qui va pouvoir créer et animer un réseau de partenaires. C’était diviser par deux ma rémunération, mais pour un projet qui m’enthousiasmait vraiment.
M : Quels sont vos périmètres d’actions respectifs dans cette aventure ?
Alice : Ma grosse responsabilité, c’est le deal flow. C’est vraiment le sourcing des dossiers qui viennent alimenter la plateforme. Au contraire d’autres plateformes de crowdfunding qui font de l'affichage dans le métro pour que les projets viennent à eux, on a commencé par aller sur le territoire pour parler aux Chambres de commerce et d'industrie qui sont les guichets d’entrée. On a été leur parler de nous, on les a formés sur le sujet (au travers d’une formation que l’on venait leur facturer). C’est comme cela que l’on s’est retrouvé avec 1.200 conseillers formés aux enjeux du financement participatif et qui fléchaient de nombreux projets vers nous.
Alexandre : Mon périmètre et celui de Stéphane ont changé en cours de route. On a vraiment fait nos armes en entrepreneuriat avec cette boîte. Cela fait dix ans, mais pendant huit ans, on a fait que des erreurs. Cela a été huit ans d’apprentissage par l’erreur. On n'était pas accompagnés, et même si on avait été accompagnés, je pense que c’est comme les enfants : tu as besoin de tomber pour apprendre. On fait une grosse erreur en mettant en place notre organisation au tout début.
Alice : Initialement, chacun n’a pas pris le périmètre dans lequel il est le plus dans sa zone de talent.
Alexandre : C’est aussi lié au fait que l’on était peut-être pas autant conscient de notre zone de talent. Stéphane a voulu tester le business development.
Alice : Et on pouvait tout à fait imaginer que ce soit un bon “biz dev”, parce qu’il a cette personnalité hyper avenante et cela marchait hyper bien quand on faisait des rendez-vous ensemble. C’est pour cela que l’on a mis aussi longtemps à se rendre compte du problème.
Alexandre : En 2020, on a vraiment été au fond du seau. On était sur une vraie crise : ça ne marchait plus du tout. Il y avait le contexte économique évidemment, mais ce moment d’arrêt nous a aussi forcés à se poser et à penser une organisation totalement différente. Avant cela, j’étais sur la gestion, le produit, et puis je faisais aussi du commercial parce que je suis naturellement un business développeur… mais je faisais tout à moitié et donc tout mal. Notre gestion financière n’était pas bonne et on découvrait nos comptes après la clôture comptable.
En 2020, on a compris que Stéphane était un excellent gestionnaire. On a switché nos rôles et il a pris la DAF (Direction administrative et financière) et cela a tout changé. C’est là que l’on a compris qu’il faut que ton travail au quotidien soit aligné avec qui tu es vraiment. Récemment on a fait des tests de personnalité dans l’équipe. C’est très bête, mais si on l’avait fait plus tôt, on se serait peut-être évité des problèmes. Maintenant je suis plutôt sur les nouveaux développements, sur les choses qu’il faut aller exécuter vite.
M : Lors d’une précédente interview avec Maddyness, Alexandre, vous parliez du lancement d’un fonds. Où en êtes-vous ?
Alexandre : Nos fonds seront ouverts à la souscription au premier semestre 2024, autour d’avril. Mais ça va être deux petits fonds, un fond de dette et un fonds d’action, de 15 à 20 millions d’euros chacun. Pour nous, c’est rien quand on sait que notre communauté investit 2 à 3 millions d’euros par semaine sur Tudigo. Ce n’est pas sur ça que va reposer notre business. Notre capacité d’investissement va rester majoritairement entre les mains de la communauté. Mais c’était important pour nous d’avoir une poche plus institutionnelle. Cela vient répondre à un besoin que l’on a identifié, avec des gens qui nous font confiance sur la sélection et qui préféreraient allouer une poche à investir.
M : Une fois que vous aurez ces fonds, est-ce que vous considérez avoir l'ensemble des outils nécessaires pour déployer votre vision globale ?
Alexandre : Non ! On étudie actuellement le sujet de la croissance externe. Il y a des sujets d’extension géographique, parce qu’aujourd’hui on est la plus grosse plateforme d’investissement en France. Il y a maintenant le potentiel d’aller faire de Tudigo un leader européen. Mais on regarde aussi pour faire des acquisitions sur des verticales complémentaires. On est aujourd’hui une entreprise qui a une bonne croissance, qui est rentable, qui a la capacité de faire des acquisitions, donc ce sont des sujets que l’on étudie parce que parfois c’est peut-être plus rapide, intéressant ou intelligent que de le faire soi-même.
M : Ces acquisitions arriveraient sous quel horizon ?
Alexandre : 2024, 2025, 2026, parce qu’il y en aura plusieurs. Si on les trouve évidemment… et il faut vérifier tout ça, mais on a déjà plusieurs cibles en tête. Avec des entreprises qui ont des synergies avec Tudigo et qui souhaitent rejoindre un groupe qui commence à avoir une certaine taille et qui a de grosses ambitions.