Dans un écosystème qui bat actuellement de l’aile, Ÿnsect n’a pas été épargné en 2023. Membre du Next 40 sur lequel repose les espoirs de naissance à un géant industriel français de l’alimentaire, la société spécialisée dans la production de protéines naturelles d’insectes et d’engrais a vécu une année en dents de scie.
Si l’entreprise s’est offerte une belle bouffée d’oxygène en avril 2023 avec un tour de table de 160 millions d’euros, elle a dans le même temps opéré une restructuration qui a conduit au licenciement d’environ 20 % de ses effectifs et l’arrêt de la production aux Pays-Bas. Une décision difficile mais prise pour s’adapter à un nouveau paradigme économique plus délicat et se rapprocher plus rapidement de la rentabilité, nouveau Graal convoité dans la French Tech.
2 à 3 ans pour faire tourner l’usine près d’Amiens à plein régime
Au-delà de ces mouvements pour assurer la pérennité de la société, l’année 2023 a été marquée par un changement à la tête d’Ÿnsect. Douze ans après la création de l’entreprise, Antoine Hubert a en effet décidé de passer le flambeau à Shankar Krishnamoorthy, ancien membre du comité exécutif d'Engie. Cependant, l’entrepreneur n’a pas quitté l’entreprise. Il est aujourd’hui en charge de la stratégie pour faire de cette pépite de la French Tech un géant industriel. Une ambition qui se matérialise notamment par la montée en puissance de sa giga-usine près d’Amiens.
S’étalant sur 45 000 mètres carrés, celle-ci a assuré ses premières livraisons en décembre 2023. Une étape symbolique qui va permettre à la société de basculer dans une nouvelle dimension plus concrète. «De quelques dizaines de bacs de production au début de l’été, nous en sommes désormais à plusieurs milliers par jour. Cela monte très rapidement», confirme Antoine Hubert auprès de Maddyness. «On commence à sérieusement augmenter le cheptel. Il faudra deux ou trois ans pour atteindre un niveau de performance optimal», ajoute-t-il.
Avec ce vaisseau amiral, complété par d’autres sites de production à Dole (Jura) et dans le Nebraska, aux États-Unis, Ÿnsect espère ainsi franchir un nouveau cap pour se rapprocher de la rentabilité, Graal absolu dans la tech actuellement alors qu’il est plus difficile de capter de nouveaux capitaux. Malgré le contexte actuel, Antoine Hubert se montre confiant sur la capacité de l’entreprise à lever des fonds à l’avenir. «En avril dernier, c’était un petit exploit de boucler un tour de table dans un tel marché», se réjouit-il. Avant d’ajouter : «Les investisseurs, nouveaux et historiques, ont toujours confiance en nous.»
«2024 sera vraiment l’année de l’explosion des revenus pour Ÿnsect»
Au-delà d’Ÿnsect, l’entrepreneur estime que l’année 2024 sera très éclairante pour l’ensemble de l’écosystème français. «En 2024, on va voir quelles sont les entreprises qui tiennent ou non, ce qui permettra de basculer dans un autre environnement en 2025. C’est malheureux mais c’est comme ça. Il y a eu des abus, avec des valorisations excessives, mais il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Dans l’industrie, cela prend du temps pour atteindre ses objectifs. C’est de l’inertie sur 10 à 15 ans. Tout le monde n’y arrivera pas, mais on espère que les startups industrielles auront un horizon de rentabilité à plus long terme», explique Antoine Hubert. Dans ce cadre, ce dernier se réjouit notamment du soutien financier apporté à des projets comme celui de Verkor, qui a sécurisé un financement global de plus de 2 milliards d’euros l’an passé pour faire sortir de terre sa giga-usine de batteries électriques à Dunkerque.
Malgré le contexte économique actuel, le directeur de la stratégie d’Ÿnsect se montre optimiste sur la capacité de l’entreprise à construire des usines à l’international à moyen terme. «Nous avons des projets d’usine qui sont envisagés au Mexique et au Moyen-Orient. Dès que nous pourrons nous lancer, nous mobiliserons des ressources pour que ces projets se concrétisent», indique-t-il.
L’entrepreneur a d’ailleurs pu mesurer récemment le potentiel à explorer au Moyen-Orient en participant à la COP 28 de Dubaï. «C’est une région extrêmement dynamique, avec des pays qui cherchent à investir dans de nouvelles technologies pour réduire leur empreinte carbone. Au niveau de l’alimentation, ils sont très loin d’être souverains. Du coup, ils sont intéressés pour faire venir de nouvelles technologies pour la production de poissons et de légumes, comme les fermes d’Ÿnsect. Nous parlons à des industriels et des investisseurs», confie Antoine Hubert. «C’est intéressant de suivre depuis l’intérieur les négociations et les avancées pour la sécurité alimentaire mondiale. Comme dans les startups, tout est une question de timing. Parfois, nous allons trop doucement alors que le climat se dérègle très vite», ajoute-t-il.
Dans ce contexte, l’activité de la startup tricolore pourrait rapidement s’amplifier alors qu’un milliard d’euros de contrats sont en cours de négociation. Ainsi, Antoine Hubert conclut : «2024 sera vraiment l’année de l’explosion des revenus pour Ÿnsect.»