La FrenchTech s’exporte de plus en plus à l’étranger. Les startups françaises arrivent désormais à s’imposer à la fois sur le marché européen et sur le marché américain. L’Asie reste de son côté perçue comme un marché moins accessible, où les différences culturelles rendent un déploiement plus ardu. La startup Metron, une cleantech française spécialisée dans les solutions digitales d’efficacité énergétique pour décarboner l’industrie, mise pourtant en grande partie sur l’Asie pour son plan de développement. Implantée à Singapour depuis 2018, Metron réalise 40 % de son chiffre d’affaires sur le continent.
De l’autre côté, c’est Hong Kong qui a été choisi par la marque d’accessoires Native Union. Présente sur place depuis 2009, date à laquelle l’entreprise a installé son siège social, la startup ne réalise pourtant que 15 % de son chiffre d'affaires en Asie. L’attrait pour ce territoire se situe ailleurs.
Metron : décarboner l’Asie depuis Singapour
En 2013, un ministre de l’Économie nommé Emmanuel Macron lançait un grand plan pour développer l’industrie du futur. C’est dans ce contexte que Vincent Sciandra, un ancien de Veolia et Transdev, décide de créer un acteur qui va utiliser la donnée pour détecter les opportunités d’optimisation et permettre de réduire la consommation énergétique. « On s’est très vite rendu compte que nous répondions à un problème industriel qui est mondial », explique le CEO de Metron.
Si la startup arrive à multiplier ses premières références en Europe, elle découvre rapidement la maturité de l’Asie sur la décarbonation : « les entreprises sur place étaient nombreuses à déployer des stratégies extrêmement structurées autour de ces sujets. Ils se posaient les bonnes questions et se donnaient les moyens d’y arriver. En Europe, on en est à la réglementation, eux ils sont vraiment dans l’action. »
Au moment de choisir où ancrer ses opérations, Metron hésite un instant entre Hong Kong et Singapour, qui sont généralement admis comme étant les meilleures portes d’entrée vers le marché asiatique. Et si Hong Kong donne plus rapidement un pied en Chine, ce dernier reste un marché assez difficile d’accès où la question de la data n’est pas aussi simple qu’ailleurs. La startup choisit donc Singapour, ce qui lui a depuis permis de rayonner sur la Malaisie, l’Indonésie et, surtout, le Japon.
En effet, c’est sur ce dernier marché que les équipes feront la rencontre de NTT DOCOMO qui permettra à la startup d’accélérer en Asie. L’entreprise devient très vite un partenaire financier puisqu’elle participe à la levée de 10 millions d’euros que Metron annonce en 2019. NTT DOCOMO devient aussi un revendeur de la solution, permettant à Vincent Sciandra de signer quelques belles références comme Sony. « Au Japon, il faut être adoubé par quelqu’un pour entrer. C’est ce qu’a fait NTT DOCOMO avec nous. »
Si l’Europe représente encore 50 % du chiffre d’affaires de Metron, il frôle les 40 % depuis l’Asie (les 10 % restants provenant principalement d’Amérique latine). Vincent Sciandra reconnaît qu’il y a pourtant beaucoup de spécificités culturelles à appréhender lorsque l’on arrive sur place. Il est d’ailleurs impensable de vouloir chercher une stratégie unifiée pour se lancer en Asie puisque les différences sont grandes entre le Japon, la Chine, la Corée du Sud, ou l’Indonésie. Ce serait comme de vouloir penser l’Europe comme un territoire uniforme.
Il faut pourtant s’attendre à un marché où les relations business sont beaucoup plus structurées : « les rendez-vous sont extrêmement précis et efficaces, avec les slides envoyées à l’avance. On est très loin du storytelling classique que l’on peut avoir en Europe ou aux États-Unis. Une autre particularité, c’est que les négociations sont souvent difficiles. Il y a une volonté de négocier les prix qui est juste naturelle. Il faut donc se garder une marge de manœuvre pour pouvoir faire en sorte de donner le sentiment que le client a gagné la négociation. Mais c’est différent au Japon où la discussion n’en est pas une. Si on annonce un prix, il est considéré comme honnête. Il y a une discussion extrêmement équilibrée mais qui nécessite souvent que ce soit le CEO qui se déplace pour pitcher le sujet… il y a un grand respect de la hiérarchie. »
Native Union : l’obsession produit depuis Hong Kong
Certaines entreprises sont focalisées sur la dimension commerciale, sur le marketing, ou sur la finance, Native Union a décidé de se concentrer sur le produit. C’est la raison pour laquelle Igor Duc, CEO de la marque, n’a pas eu la moindre hésitation quand il a fallu incorporer l’entreprise : c’était Hong Kong. « On est à une demi-heure de l’usine du monde. Et comme on passe encore la moitié de nos semaines avec nos partenaires de production, cela nous permet d’avoir une culture assez non conventionnelle : là où de nombreuses entreprises mettent en avant leur obsession client, nous avons une culture du respect du fournisseur. On veut faire les meilleurs produits possibles, et c’est en ayant cette proximité que c’est possible. »
Le chiffre d’affaires en Asie de Native Union reste donc anecdotique, seulement 15 %. Son grand marché, ce sont les États-Unis où la startup réalise 50 % de son chiffre, drivé par la force de Best Buy et Apple qui distribuent les produits dans plusieurs milliers de magasins à travers le pays.
« L’autre avantage, c’est la partie administrative puisque la création et la gestion d’une entreprise sont extrêmement simplifiées. Contrairement à la complexité française à ce niveau, ici, cela te permet de passer ton temps sur le développement de ton business. »
Le sujet de la différence culturelle est évidemment important, mais Igor Duc a su le transformer en une opportunité. « Il faut essayer d’équilibrer les équipes en ayant des locaux et des profils plus occidentaux. En règle générale, les collaborateurs hongkongais sont plus fiables et loyaux, mais moins créatifs. Tout est une question d’équilibre. »
Le fondateur de Native Union rappelle aussi la très bonne image que les entreprises françaises peuvent avoir en Asie. « Dans ces pays, la France reste vraiment un vecteur de luxe, de qualité et d’élégance. » Une particularité dont ont tiré parti les Français derrière la plateforme On The List, un Veepee local qui donne accès à des marques du luxe. « L’investissement est peut-être un peu plus difficile ici. On n’a pas forcément les mêmes typologies d’investisseurs avec davantage de Family Offices. Et les fonds européens ou américains ont largement réduit leurs investissements vers l’Asie ces dernières années », tempère toutefois Igor Duc.