Pour les applications mobiles, l’App Store est un passage incontournable pour espérer se faire une place sur les millions d’iPhone du monde entier. Cependant, la bataille est rude puisque ce sont aujourd’hui pas moins de 1,8 d’applications qui proposées sur la boutique en ligne d’Apple, contre à peine 500 à son lancement en 2008.
Dans cette jungle digitale, Mojo a vu le jour en novembre 2018 pour proposer une application permettant de créer des visuels animés sur les réseaux sociaux à partir de centaines de modèles. Avec son approche, la société souhaite ainsi glisser dans la poche des petites entreprises et des créateurs de contenus une mini-agence de design social media qui fait office d’alternative à Photoshop et Canva pour donner vie facilement à des photos et des textes sur Instagram, TikTok ou encore YouTube.
«Indirectement, j’étais déjà lié à Apple dans ma vie d’entrepreneur»
Si Mojo revendique désormais plus de 40 millions de téléchargements sur toutes les plateformes mobiles, tout n’a pas été simple pour Francescu Santoni, co-fondateur de l'application française. Mais son parcours est intimement lié à l’App Store. «Quand Apple a lancé l’App Store en 2008, j’y ai vu une opportunité et je me suis concentré sur les applis mobiles», reconnaît d’ailleurs volontiers l’entrepreneur.
Ce dernier a ainsi contribué au développement, de près ou de loin, de plusieurs applications mobiles. Mais son virage vers l’écosystème d’Apple va s’accentuer au début d’années 2010 avec la création d’un jeu vidéo éducatif sur iPad. «Indirectement, j’étais déjà lié à Apple dans ma vie d’entrepreneur», relève Francescu Santoni. En 2013, il embrasse encore un peu plus l’écosystème mobile de la marque à la pomme en rejoignant Stupeflix en tant que développeur iOS. «Apple, le mobile et la vidéo étaient les trois piliers», se souvient-il.
Son aventure au sein de Stupeflix se prolonge dans le giron de GoPro, puisque le spécialiste américain des caméras d’actions a mis la main sur la société française en 2016. «Nous avons appris beaucoup de choses, notamment en allant en Californie, mais c’était un peu lent. Nous voulions aller plus vite», indique Francescu Santoni. Lorsqu’il a l’occasion de participer à la préparation d’une grande keynote d’Apple, c’est la révélation pour le Français et son associé, Jean Patry. «On a alors décidé de créer notre prochain gros projet», ajoute-t-il. Ce projet, c’est donc Mojo, mais il s’agissait d’une application de réalité augmentée à sa création fin 2017.
«Avant la création de l’App Store, monter un business sur web et mobile était extrêmement compliqué»
L’année suivante, les événements vont s’accélérer pour Mojo. «C’est à ce moment-là que nous avons rencontré Martin (Vialle, en charge de l’App Store en France et dans le Benelux, ndlr) et que nous avons été sélectionnés par Y Combinator», raconte le co-fondateur de l’application. Au sein du prestigieux accélérateur américain en Californie, qui a propulsé des entreprises comme Airbnb ou Stripe, les entrepreneurs français revoient leur copie et dessinent les contours de ce que sera la version actuelle de Mojo.
«Nous avons eu beaucoup d’échanges avec Apple, qui nous a donné quelques conseils. Il était clair que nous n’avions pas réussi à trouver un usage qui apportait assez de valeur à nos utilisateurs. Mais il était acquis que les professionnels allaient être amenés à travailler de plus en plus sur mobile avec de nouveaux formats vidéo. Dans le même temps, Instagram venait d’intégrer les stories. Il faut cependant noter qu’une partie de la créativité était bloquée en 2018 par des compétences techniques. Nous avions donc la volonté de rendre notre application accessible à n’importe qui», explique Francescu Santoni.
Maintenant que le projet était bien défini, encore fallait-il réussir à l’exporter à l’international pour doper la croissance de la société. «A l’époque, nous étions plus des artisans que des entrepreneurs à succès», se souvient avec humour le développeur français. Avant d’ajouter : «Avant la création de l’App Store, monter un business sur web et mobile était extrêmement compliqué. Maintenant, il est possible de distribuer son application partout dans le monde pour 100 euros par an. Dès le début, on peut attaquer le marché américain et l’Europe.»
Apple identifie la création de valeur dès les 3 premières minutes d'utilisation
Mais si l’App Store offre une porte d’entrée sur le marché mondial, encore faut-il réussir à se distinguer d’une concurrence particulièrement rude. Dans ce cadre, l’accompagnement d’Apple peut se révéler très précieux. Ainsi, la marque à la pomme a joué un rôle clé dans le développement de Mojo, qui a pu bénéficier du soutien apporté par l’App Store Foundations Program pour se déployer à l'international.
«En fonction du potentiel estimé, on essaie de faire monter en gamme l’app sur un certain nombre d'aspects. Il y a le côté produit avec les 3 premières minutes d'utilisation, le côté business pour comprendre comment gagner de l’argent et le côté expansion internationale pour proposer l'app dans plusieurs langues. En fonction de la connexion établie avec le développeur, nous allons travailler dans le cadre d'ateliers des aspects très précis : comment porter l’app sur un appareil comme l’iPad par exemple. Avec l'App Store Optimization, nous allons également aider les développeurs à choisir les bons mots clés et les bons visuels pour bien ressortir dans les résultats de recherche», explique Martin Vialle, le responsable de l’App Store en France et dans le Benelux. A la tête d’une équipe d’une dizaine de personnes dans l’Hexagone, le cadre de la firme de Cupertino indique ce qui attire son œil d’expert dans une application : «Il n’y a pas de recette type. Ce qui compte, c’est l’apport de la création de valeur dès les 3 premières minutes d'utilisation. Il faut que l’utilisateur comprenne le super pouvoir de l’app avec une baguette magique qu’est l’iPhone.»
«L’expérience est plus difficile à construire sur Android que sur iOS»
Dans le cas de Mojo, Martin Vialle a identifié un potentiel à exploiter au-delà du marché français. «Mojo a réussi à créer un produit à dimension mondiale», estime-t-il. Avant d’élargir son propos : «A chaque fois qu’on parle des développeurs français à Cupertino, on dit qu'ils sont le symbole de ce qu’Apple veut faire. Il y a une intersection des technologies et des arts, qui est très chère à Steve Jobs. Notre objectif est d'amener ces talents le plus haut possible.» Dans ce cadre, Francescu Santoni salut l’accompagnement de la firme californienne. «Quand on rentre dans la formation d’Apple, on a accès à des contacts. On ne se frotte pas à un mur anonyme. Nous voyons vraiment Apple comme un partenaire», assure-t-il.
Toutefois, il existe le risque de se retrouver enfermé dans l’écosystème de l’entreprise américaine, ce qui peut s’avérer fatal comme avait pu l’expérimenter l’entrepreneur Simon Dawlat avec AppGratis. Mais Francescu Santoni affirme n’avoir jamais été effrayé par cette perspective : «Aller chez Apple, c’est un choix. Il y a une forme de contrat moral. Je n’ai jamais ressenti de stress par rapport à ça car il y a une communication ouverte.» De plus, Apple balaie d’un revers de main les accusations d’enfermer les développeurs dans son écosystème. «Nous ne voulons pas vendre un maximum de publicités, ni avoir des apps exclusives. On ne demande jamais d’exclusivité», insiste ainsi Martin Vialle.
D’ailleurs, Mojo est également disponible sur Android, mais l’accompagnement de Google n’est pas aussi poussé que celui d’Apple selon lui. «Il y a eu quelques petits contacts. Google voulait notamment nous pousser à mettre de la pub. Mais il n’y a eu pas de partenariat similaire pour l’instant. On espère avoir cela dans le futur. La concurrence, c’est sain et ça tire tout le monde vers l’avant. Pour l’heure, l’expérience est plus difficile à construire sur Android que sur iOS», explique l’entrepreneur tricolore. Grâce à l’App Store, Mojo affirme avoir atteint plus de 24 millions de téléchargements. Un chiffre que la société espère bien doubler dans les prochaines années.