Après la vente de son agence digitale Ametix au Groupe La Poste en 2017, Vincent Klingbeil a monté de toutes pièces un groupe “multi-spécialiste de l’accélération digitale des entreprises” à partir de 2019, European Digital Group (EDG). Dans cette aventure, il a bénéficié du soutien du fonds Montefiore Investment et de son fondateur Eric Bismuth, qui l’ont accompagné dans la quarantaine d’acquisitions réalisées à ce jour. Résultat : quatre ans après son lancement, EDG affiche un chiffre d’affaires de plus de 250 millions d’euros et 20 % d’EBITDA, avec 1.700 collaborateurs et une présence dans dix pays.
Pour continuer sa stratégie de “build-up” dans un contexte où le recours à la dette devient plus coûteux, EDG fait maintenant entrer Latour Capital à son tour de table, dans le cadre d’une opération de LBO. Le fonds de Philippe Leoni (ex-groupe Spir, Leboncoin, LogicImmo, 20Minutes…) et Montefiore Investment détiennent ainsi désormais conjointement 60 % du capital du groupe, aux côtés de Vincent Klingbeil et des managers, qui possèdent les 40 % restants. Vincent Klingbeil en fait d’ailleurs un élément de fierté : « Sur près de 2.000 collaborateurs, 200 sont actionnaires et 100 % des fondateurs des entreprises du groupe ont réinvesti dans l’entreprise, c’est un très bon signe !»
Une stratégie d’acquisition autour de 5 domaines d’expertise
Si pour ce LBO, le groupe a reçu des marques d’intérêts de six fonds - notamment anglo-saxons - l’entrepreneur reconnaît un contexte « plus stressant qu’en temps normal » pour lever des fonds sur le segment “large cap”. « Latour Capital, comme Montefiore, fait partie des fonds les plus performants en France. Mais ce qui a joué dans notre choix, c’est le fit humain », explique-t-il.
Plus que dans d’autres opérations de financement, cet aspect “humain” s’avère particulièrement crucial, puisque les deux fonds s’impliquent au quotidien dans le développement du groupe. « Ils nous apportent du conseil, nous aident à sourcer et analyser les dossiers, à structurer et financer les deals : on s’appelle tous les jours ou presque. Plus que des investisseurs, ce sont des associés et des partenaires. C’est aussi ça qui a fait que nous avons privilégié un fonds français plutôt qu’américain ou britannique. »
La recette EDG repose en effet sur une stratégie d’acquisitions ciblées, autour de cinq domaines d'expertise : la technologie & la cybersécurité, la Data & l’IA, le marketing à la performance, les contenus, les RH & les “growth enablers”.
Les cibles doivent être des sociétés en croissance, réaliser au moins 1,5 million d’euros d’EBITDA et avoir le potentiel de passer rapidement le cap des 3 ou 4 millions. Equancy dans la data, Orès dans la stratégie de marque et la communication, Avizio dans le conseil RH, les Big Boss dans l’événementiel et la génération de leads ou Axome dans l’e-commerce sont quelques-unes des entreprises qui constituent le groupe.
« Ce sont toutes des sociétés spécialisées dans l’accélération digitale, avec une dimension conseil, mais aussi une technologie », précise le fondateur d’EDG, qui entend maintenant se renforcer plus particulièrement sur les sujets IT et cybersécurité. Celui-ci indique n’avoir subi aucun échec, jusqu’à présent. « Aucune acquisition n’a fait moins de 20 % de croissance après son intégration : avec les synergies, notre feuille de route, le conseil stratégique que nous leur apportons, la croissance est au rendez-vous ».
Conserver du “skin in the game”
Le modèle EDG a une autre particularité : les fondateurs restent toujours au capital de leur entreprise, à hauteur de 40 % en moyenne, et réinvestissent une partie de leur “cash-out” dans la maison-mère. « Le partage de la valeur est un élément important de notre réussite : nous sommes tous actionnaires de tous, chacun est ‘skin in the game’, c’est ça qui fait la croissance ». Au siège, des équipes commerciales, marketing, RH et fusion-acquisitions viennent en soutien des filiales et développent les liens entre les différentes entités, tandis que les filiales conservent une forte autonomie.
« Soit nous rachetons l’entreprise via EDG, soit c’est une filiale qui le fait - puisque la règle est de n’avoir aucun concurrent au sein du groupe. Et parfois, nous créons de zéro ce que l’on appelle un “speed boat” ». Parmi la dizaine d’entreprises créées de toute pièce - généralement autour d’un entrepreneur, selon un modèle proche du startup studio - figure notamment le cabinet de conseil Wold, « passé de zéro à 120 personnes en deux ans ».
Le LBO va maintenant permettre au groupe de bénéficier de nouvelles capacités d’investissement, afin d’accélérer sa croissance, notamment à l’international et passer le cap du milliard d’euros de CA d’ici 5 ans. « Six acquisitions sont en cours de négociation actuellement. Nous avons des cibles en Allemagne, en Espagne et même au Brésil », précise Vincent Klingbeil. Tout le défi d’EDG sera maintenant de montrer que ce modèle peut fonctionner en dehors du marché français.