Dans la grande majorité des cas, un entrepreneur qui a réussi entend en faire bénéficier les autres, en devenant “business angel”. En France, cette envie naturelle est d’autant plus encouragée par des dispositifs fiscaux avantageux, comme le principe du “réemploi”, qui permet de bénéficier d’un report d’imposition sur les plus-values de cession, si celles-ci sont réinvesties dans de nouveaux projets, en respectant plusieurs conditions.
Mais au-delà de l'intérêt fiscal et de la perspective d’un rendement, c’est bien souvent l’envie de contribuer à de nouveaux succès entrepreneuriaux qui prime. « Dès qu’un chef d’entreprise commence à avoir un peu de patrimoine, il commence à prendre des participations en direct, pour de l’investissement ou par intérêt intellectuel », constate ainsi Souleymane-Jean Galadima, le directeur général du family-office digital Sapians, qui accompagne la stratégie patrimoniale d’entrepreneurs-investisseurs.
Alignement d’intérêts
Mais un entrepreneur ne fait pas nécessairement pour autant un bon investisseur… « Un bon business angel, c’est quelqu’un dont les intérêts sont alignés avec ceux de l’entreprise dans laquelle il investit et pour laquelle ils vont s’impliquer personnellement », souligne Souleymane-Jean Galadima, en précisant que les apports d’un business angel peuvent se traduire de différentes façons, dont l’accès à un réseau, un partage d’expérience ou un gain de crédibilité, en fonction des besoins spécifiques de chaque startup.
Ce principe est suivi à la lettre par Olivier Duha, le cofondateur de Webhelp, une success-story française rachetée par l'américain Concentrix pour 4,8 milliards de dollars en mars 2023 : « je privilégie des investissements avec un fort potentiel de croissance, dans lesquels je peux apporter quelque chose à l’équipe dirigeante. Mon fil conducteur, ce sont les possibilités d’internationalisation et de fusion-acquisition, avec des entrepreneurs qui recherchent un partage d’expérience sur ces sujets », explique celui qui a mené Webhelp jusqu’au Nasdaq, avec une trentaine d’acquisitions en 23 ans.
Un rôle qui peut s’avérer déterminant
Parmi la cinquantaine d’investissements personnels opérés par Olivier Duha sur les quinze dernières années, figure par exemple Whoz, une solution qui facilite l’organisation des cabinets de conseil et des ESN. « Pour signer des contrats à plusieurs millions d’euros annuels, le fait d’avoir des business angels comme Olivier Duha a été déterminant », reconnaît aujourd’hui son fondateur, Jean-Philippe Couturier.
Celui-ci n’hésite pas à solliciter régulièrement ses investisseurs sur des aspects commerciaux, ainsi qu’aux différentes étapes clés pour la croissance de son entreprise. « À la différence d’un coach qui est payé pour vous accompagner, mais pas en fonction du résultat, ou d’un mentor, qui conseille souvent sans être investisseur lui-même, donc sans prendre de risques, le business angel a mis de l’argent, il est totalement associé à la réussite de l’entreprise », apprécie le cofondateur de Whoz.
Une question d'équilibre
Mais cette implication ne représente-t-elle pas aussi un risque pour l’autonomie de l’entrepreneur ? « Plus un investisseur dispose d’une expérience qui a de la valeur pour le dirigeant et plus son investissement est raisonnable, mieux c'est », estime Olivier Duha. « La relation ne peut pas fonctionner lorsque les business angels s’inventent des compétences qu’ils n’ont pas, ou deviennent intrusifs parce qu’ils ont réalisé un investissement disproportionné par rapport à leur patrimoine », ajoute-t-il.
Tout est donc question d’équilibre et implique une bonne communication en amont sur les intérêts et objectifs respectifs de chacun. Mais ce n’est pas tout : le business angel doit aussi avoir conscience de ses limites, comme le souligne Souleymane-Jean Galadima : « des entrepreneurs ont pu connaître des succès fulgurants dans certaines activités ou certains secteurs, mais leurs retours d’expérience doivent désormais s’ajuster aux conditions de marché actuelles. Un entrepreneur devenu business angel doit bien prendre en compte les biais qui ont pu expliquer ses réussites passées. »