Le contexte n'est décidément toujours pas propice à la levée de fonds. Au total depuis janvier, 7,4 milliards d'euros ont été engrangés par la French Tech, soit moins de la moitié comparé à l'an passé à la même période. Un contexte de contraction des investissements qui persiste depuis maintenant plus d'un an et se ressent aussi au niveau européen. Les startups en forte croissance cherchent donc des alternatives, comme des potentiels rapprochements de plus grandes structures.
C'est le cas de Delphine Cochet, fondatrice et CEO de Ma Bonne Fée, une startup spécialisée dans la qualité de vie au travail (QVT) et le bien-être des collaborateurs. Cette dernière avait réalisé sa première levée de fonds en 2021 auprès de business angels, notamment pour l'acquisition de nouveaux clients. Puis, l'année suivante, le sujet d'une nouvelle étape de développement a fait son chemin et l'entrepreneure s'est engagée dans « un exercice assez compliqué d'échanges avec divers fonds ». « Une voie qui ne correspondait pas aux valeurs et aux besoins de la structure, qui recherchait, au-delà d’apports financiers, des synergies opérationnelles », complète-t-elle. L'accès restreint aux fonds en capital-risque a sans doute pesé dans la balance. « On m'a toujours vanté l'intérêt du tour de table en qualifiant l'adossement industriel comme la fin de l'aventure, justifie-t-elle. Mais cette alliance opérationnelle et stratégique nous permet justement de nous consolider sur un marché RH très concurrentiel et marqué par des enjeux variés. »
Depuis septembre, Ma Bonne Fée a donc rejoint le groupe expert RH Menway en tant que « business unit à part entière et disposant de sa propre indépendance opérationnelle ». Elle contribue au projet "Caring" - rassemblant l’ensemble des entités du Groupe Menway dédiées à la santé et à la QVT - aux côtés de Prévia, spécialiste de l'accompagnement du retour au travail, ainsi que Proconsult, la ligne d'écoute psychologique en entreprise. Ma Bonne Fée complète ce pôle en tant que premier niveau de sensibilisation et d'accompagnement des vulnérabilités en entreprise. « La complémentarité de ces métiers nous permettra de créer un leader dans le secteur », promet Delphine Cochet.
Une stratégie permettant d'attirer de nouveaux clients
Fin septembre, la startup spécialiste des avantages salariés Worklife a été de son côté rachetée par le Crédit Agricole, seulement 2 ans après avoir lancé officiellement son offre. « Je n'avais pas prévu de le faire aussi tôt mais j'avais tout de même en tête de faire un exit, détaille Benjamin Suchar, fondateur et CEO de l'entreprise. J'ai voulu assurer la bonne gestion de trésorerie pour mieux concentrer nos efforts sur le développement et la croissance ». Il se trouve que le Crédit Agricole accentue depuis plusieurs années sa stratégie de diversification sur le secteur des ressources humaines et la perspective pour Worklife de pouvoir distribuer son offre à travers un vaste réseau d'agences a grandement motivé ce rapprochement.
Face à la crise des financements, Benjamin Suchar a misé sur des objectifs de rentabilité pour assurer la poursuite de sa croissance. « Sans vraiment le vouloir, cette stratégie a attiré des acteurs bancaires, décrit-il. Nous avons choisi le Crédit Agricole notamment pour sa connaissance fine des startups ; par exemple par le biais de la Fabrique by CA, dont on dépend aussi directement ». Car si une acquisition est souvent synonyme de passage à l'échelle, il faut néanmoins s'assurer d'être sur la même longueur d'onde. Et le fait qu'un grand groupe ait déjà un pied dans le monde entrepreneurial est considéré comme un gage de réussite.
Plus encore, le choix d'un rachat plutôt qu'une levée de fonds est aussi souvent d'ordre personnel. Pour Delphine Cochet, les avantages en termes de rythme de vie, de stabilité émotionnelle et de confort financier sont indéniables. « Lever des fonds signifie aller encore plus vite dans une perspective de court terme sur 5 à 7 ans, explique-t-elle. Cela ne veut pas dire qu'il y a moins d'enjeu lors d'un rapprochement mais la pression est bien moindre ».