Au cours de la dernière année, le monde des investisseurs en venture capital a été marqué par une prudence généralisée en réaction au contexte macroéconomique incertain. Selon le dernier rapport "State of European Tech" d'Atomico, 80 % des fondateurs ont déclaré qu'il est devenu plus difficile de lever des fonds. Ainsi, l'Europe essuie une baisse de près de 45% de capitaux investis sur son territoire, en cohérence avec la baisse mondiale de 39 % en moyenne.
Toutefois, l'écosystème de la tech européenne fait preuve de résilience et donne désormais naissance à davantage de pépites qu'aux États-Unis. Rien qu'en France, la part de nouvelles startups est passée de 18 % en 2019 à 22 % en 2023. Plus encore, l'Europe a engrangé 3 billions de dollars cette année, un montant égal à celui enregistré en 2021.
La France consolide sa deuxième place
L'Europe est en passe de lever 45 milliards de dollars de capitaux cette année, un montant en forte baisse par rapport au total de 82 milliards de dollars de 2022. En cause selon Atomico : de nombreuses startups retardent leurs prochaines levées de fonds et les investisseurs prennent plus de temps pour déployer leur capital. Néanmoins, Atomico précise que 2023 reste la troisième année la plus importante pour la tech européenne, prouvant que l’écosystème reste résilient et se réajuste après les pics de 2021 et de début 2022.
Dans ce contexte, la France consolide sa position en deuxième place en termes de capitaux engrangés avec un total de 8 milliards de dollars, suivie de près par l'Allemagne avec 7,8 milliards de dollars. Le Royaume-Uni conserve le haut du podium avec 12,7 milliards de dollars. Les 8 milliards récoltés par la France représentent une diminution de 43% par rapport aux 14,6 milliards de dollars de l’année dernière, mais une augmentation de 48 % par rapport à 2020.
La France est en train de réduire son écart avec le Royaume-Uni qui avait levé 24,7 milliards de dollars l'an passé, contre 14 milliards en France et 10,8 milliards en Allemagne.
Concernant la création de startups, l’Europe a dépassé de peu les États-Unis, avec respectivement 14 000 et 13 000 nouveaux fondateurs. En revanche, c'est sur le terrain de l'accès au capital que le bât blesse car les startups américaines ont toujours 40 % de chances supplémentaires d'obtenir un financement de capital-risque dans les cinq ans suivant leur création.
L’initiative Tibi pour combler le retard français face au Royaume-Uni
Sur ce point, le gouvernement français a annoncé en juin dernier le lancement de la phase 2 de son initiative Tibi, débloquant 7 milliards d'euros de capital institutionnel pour les investissements en early stage, notamment dans la deeptech et la cleantech. « C'est ce type d'ambition qui contribuera à réduire la disparité de financement avec les États-Unis, propulsant les entreprises françaises vers une transformation numérique agressive, complète Tom Wehmeier, Partner et co-auteur du rapport chez Atomico. Plus important encore, la France devrait également s'attacher à cultiver son vivier de talents dynamiques et à créer un écosystème collaboratif où ils pourront s'épanouir. »
Pour ce qui est des méga-levées de plus de 100 millions d'euros, ces dernières en Europe sont passées de 200 en 2021 à 163 en 2022 puis 36 cette année et 7 d'entre elles ont été enregistrées dans l'Hexagone (à l'image de Mistral AI, Pasqal et Ynsect). C'est le deuxième chiffre le plus élevé en Europe après le Royaume-Uni. La France occupe également la troisième place en termes de nombre d'entreprises valorisées à plus d'un milliard de dollars et demeure le seul pays du top 10 à ne pas avoir connu de disparition de licorne.
Pour rattraper son retard, l'Europe devrait alors miser sur plusieurs cartes dont son attractivité auprès des talents de la tech d'une part. D'après Atomico, la main d'œuvre de la tech européenne est passée de 750 000 salariés à plus de 2,3 millions ces 5 dernières années ; largement complétée par des profils venus d'outre-Atlantique. La France représente 12% des arrivées dans le secteur tech et a enregistré une croissance nette de 38 000 emplois dans son propre écosystème, portant le total à plus de 330 000.
Autre levier : faire valoir le potentiel d'innovation en matière d'intelligence artificielle. Le secteur en Europe regroupe plus de « professionnels hautement qualifiés de l'IA » (120000) que les États-Unis (108000). À noter que près de 18 000 de ces professionnels sont basés en France. Enfin, c'est la détermination du Vieux Continent à résoudre les défis les plus importants de l'humanité qui pourrait lui permettre de se démarquer. En 2023, le secteur carbone et l'énergie, qui englobe la climate tech, représente 27% de tous les capitaux investis dans la tech européenne en 2023 ; c'est 3 fois plus qu'en 2021.