écrit le 27 novembre 2023
27 novembre 2023
Temps de lecture : 4 minutes
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L’intelligence artificielle met à mal le droit d’auteur pour les images

Les avancées exponentielles des intelligences artificielles constituent à la fois une opportunité créative dans laquelle s’est engouffrée l’IA Art mais aussi une réelle menace pour les droits d’auteur.
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432 500 dollars. C’est le prix auquel a été acquis chez Christie's le 25 octobre 2018 le Portrait d'Edmond de Belamy, la première œuvre d'art produite par un logiciel d'intelligence artificielle à être présentée dans une salle des ventes. Elle a été réalisée par le collectif Obvious. « L’intelligence artificielle n’est qu’un outil à disposition des créatifs, même si nous comprenons les inquiétudes et qu’elle doit être gérée par des règles et une certaine éthique », affirme Gauthier Vernier, l’un de ses cofondateurs. Il compare d’ailleurs volontiers cette avancée technologique avec l’apparition de la photographie, qui, à l’époque, semblait signer la fin de l’activité des portraitistes.

Pour autant le collectif détient les droits de ses œuvres, car comme l’explique Mathilde Carle, avocate aux barreaux de Paris et de New York chez, Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, « le droit d’auteur s’applique à une œuvre si elle fait preuve d’originalité et reflète la personnalité de son ou ses auteurs ». Dans le cas de la série sur La Famille de Belamy, Obvious a en effet constitué une base de 14 000 portraits peints entre le XIVe et le XIXe et ensuite retravaillé les prompts créés. L’œuvre est en plus signée avec la formule mathématique qui a permis de la réaliser car « cela pose le questionnement de la place de l’artiste dans le processus créatif », ajoute Gauthier Vernier.

Portrait d'Edmond de Belamy

Le droit d’utilisation des images qui nourrissent l’IA

« Nous essayons systématiquement d’avoir des accords avec les ayant droit des œuvres avec lesquelles nous nourrissons l’intelligence artificielle comme ça a été le cas par exemple avec notre série sur les œuvres pariétales pour lesquelles nous avons contacté la grotte de Lascaux », souligne le cofondateur du collectif Obvious. En effet, en aval du processus de création avec une intelligence artificielle générative, se pose la question du droit d’utilisation des images qui nourrissent son apprentissage automatique.

Il y a bien une directive qui a été promulguée en 2019 sur la fouilles de textes et de données, mais qui « n’a pas anticipé l’avènement des intelligences artificielles génératives, capables de créer en masse des créations visuelles, et qui, aujourd’hui, viennent menacer directement l’activité des auteurs dont les œuvres ont été aspirées pour nourrir ces mêmes IA », explique Thierry Maillard, directeur juridique de l'ADAGP. Cette société de gestion des droits d'auteur française qui représente 220 000 artistes à travers le monde a donc récemment appelé à une régulation sur le sujet.

Le consentement des auteurs et leur rémunération

Le premier point de blocage concerne le consentement des auteurs. Si le système de l’opt-out, le droit d’utiliser les œuvres tant que l’auteur ne s’y oppose pas, est pour le moment en vigueur, il est difficilement applicable pour des images qui peuvent être diffusées sur des milliers de sites sous des formats différents. En attendant la mise en place d’un opt-in, aux termes duquel l’œuvre n’est utilisable que si l’auteur donne son accord, l’ADAGP préconise la mise en place, dans le cadre d’accords conclus entre les sociétés d’auteur et les opérateurs d’IA, de mesures plus abouties permettant de rendre l’opt out effectif pour les auteurs.

Sur la question de la juste rémunération des auteurs, la solution pourrait passer par la mise en place d’un mécanisme légal de rémunération obligatoire, permettant de compenser le préjudice subi par les auteurs, ou par la conclusion de contrats de licence, comme c’est le cas pour les plateformes musicales de streaming. « C’est dans l’intérêt des géants de la tech plutôt que de perdre de l’argent en procès », considère Gauthier Vernier. 

Reste aussi le problème de la transparence des systèmes d’IA sur lequel certains géants de la tech commence à être actifs, à l’instar de Google qui a annoncé en août 2023 avoir créé un système de watermarking pour déterminer la provenance et l’origine d’une œuvre et donc de mieux la protéger. Mathilde Carle suggère aussi « d’utiliser des outils comme Bria AI, qui permet de remonter aux multiples sources d’une image de synthèse et d’identifier les centaines d'œuvres originales dont elle s’est inspirée ».

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Légende photo :
Mathilde Carle et Gauthier Vernier