Grapheal est l’une de ces spin-off qui promettent de changer le quotidien des patients et du personnel soignant. Fondé en 2019 par Vincent Bouchiat, 52 ans, docteur en physique, et ancien directeur de recherche au sein de l’institut Neel, au CNRS de Grenoble et Behnaz Djoharian, ingénieure diplômée de l’Ensimag qui s’occupe de la partie numérique et embarquée, Grapheal est spécialisée dans la création de biocapteurs numériques embarqués qui révolutionnent le suivi des plaies grâce au développement de pansements intelligents et connectés.
“Nos capteurs prennent des mesures au sein même des tissus ou dans les fluides biologiques. Intégrés à un pansement, lui-même apposé sur une plaie ou sur une brûlure, ils permettent de mesurer les intéractions entre les molécules, entre un anticorps et un antigène par exemple. Ces informations sont ensuite digitalisées et communiquées à un smartphone. Corrélées à des pronostics de suivis long terme, elles offrent la possibilité de prédire, par apprentissage, l'occurrence de tel ou tel phénomène comme une infection ou une inflammation en définissant des seuils d’alerte”, détaille Vincent Bouchiat, cofondateur de Grapheal.
L’innovation technologique majeure est d’autant plus pertinente que dans de nombreux pays, l'incidence des plaies chroniques augmentent, en raison du vieillissement de la population et de la prévalence accrue du diabète. Aussi pour valoriser ses solutions et compétences sur le marché national et international, Grapheal est membre de la communauté de La French Fab de Bpifrance qui incarne les entreprises, acteurs économiques, institutions et sites industriels situés en France qui se reconnaissent dans la volonté de développer l’industrie française.
Tous les acteurs se réuniront à l'occasion de la campagne "Allons enfants de l'Industrie".
Personnalisation des traitements et réduction des coûts
Les simulations informatiques, l'apprentissage automatique et l'analyse de données massive sont devenus des outils inestimables pour la conception de nouvelles molécules, la compréhension des mécanismes biologiques et la prédiction de l'efficacité des médicaments. Dans le cas de Grapheal, si les données collectées permettent évidemment de rendre les processus biologiques toujours plus intelligibles, elles évitent également les interactions inutiles avec la plaie et le risque accrue d’introduction d’éléments pathogènes.
“Si en raison de l’intégration d’électronique au sein du pansement la valeur du dispositif médical augmente par rapport à celle d’un pansement classique, l’amélioration du suivi de la plaie diminue le nombre de complications à terme comme des infections profondes, notamment chez les diabétiques avec des risques d’amputations, rappelle Vincent Bouchiat avant de poursuivre, qu'une étude a été réalisée. Celle-ci doit être étayée par davantage de données scientifiques. Mais la prédiction c’est de pouvoir diminuer de deux tiers ou de trois quart le nombre d’amputations. Grapheal apporte au personnel médical de la donnée dont ils ne disposent pas aujourd’hui sur un certain nombre d'éléments et favorise la médecine de précision, le suivi de précision. ”
Remote monitoring et accès au soins
En France, par ailleurs, les inégalités territoriales d’accès aux soins ne cessent de se creuser, le cofondateur de Grapheal voit d’autres avantages indéniables à l’usage croissant de ce type de dispositif et à leur démultiplication “L’utilisation d’objets connectés possédant de biocapteur permet une remontée continue de données et facilite le remote patient monitoring, une approche qui offre de nombreux avantages en termes d'accès aux soins et d'amélioration de la qualité des soins de santé.” Et pour cause, en évitant des hospitalisations coûteuses et des visites médicales inutiles, le "remote monitoring" contribue à réduire les coûts de santé pour les patients et les systèmes de santé en général et également de réduire les inégalités en matière de soins de santé en offrant des soins de qualité aux populations qui, autrement, pourraient avoir du mal à accéder à des services médicaux de qualité.
Pour le scientifique et entrepreneur, la numérisation du secteur est également la promesse d’un gain d’efficacité pour les soignants qui, mieux informés, voit une amélioration qualitative et quantitative du temps avec leur patient. “Avec Grapheal, les infirmières sont informées de l’évolution de la reconstruction des tissus directement sur leur téléphone. Elles n’interviennent sur le pansement que si les données analytiques dont elles disposent en temps réel leur laissent suspecter une anomalie dans le processus de guérison.”
Une solution au service de l’Industrie 4.0
À l’aube de ses premiers tests cliniques, Grapheal cherche à lever 10 millions d’euros en equity dans une série A destinée à lui permettre d’industrialiser la production de son pansement connecté en vue d’une mise sur le marché en 2028. La startup grenobloise compte actuellement sur le soutien de Bpifrance à travers ses différentes aides en faveur de l’industrialisation.
Elle s’évertue parrallèlement à développer d’autres dispositifs basés sur des procédés analogues et notamment une bandelette de test dédiée au dépistage de maladies à l’instar de certaines intolérances intestinales ou de maladies infectieuses. Des bandelettes intelligentes et connectées qui, à terme, pourraient révolutionner le travail des laborantins. “Nous apportons de la donnée là où elle faisait défaut. Il existe, en milieu pharmaceutique notamment, des processus de synthèse soit par bioprocessus - avec de la bioingénieurie pour produire des molécules à partir de bactéries - soit par chimie organique pour obtenir des réactions dans des cuves par exemple. Le bon déroulement du processus est conditionné à une parfaite maîtrise du temps qui nécessite des données analytiques précises et en temps réel. Aujourd’hui les laborantins procèdent à des prélèvements réguliers en échantillonant les molécules et en les dosant. Ces procédés nécessitent beaucoup de main d'œuvre et une logistique lourde pour analyser les prélèvements et des délais conséquents pour obtenir des résultats. Équiper des objets comme les cuves de bandelettes intelligentes et connectées améliorerait considérablement la productivité dans les laboratoires”, argumente l’ancien directeur de recherche au CNRS.
Cette numérisation de l'industrie pharmaceutique que permettent des innovations comme celles imaginées par la startup Grapheal s'inscrit dans le cadre de l'Industrie 4.0, qui vise à rendre les processus de fabrication plus intelligents et automatisés. Elles promettent, dans les années à venir, de transformer le secteur pharmaceutique en rendant les processus plus efficaces et en fournissant des données précieuses pour une médecine de précision.
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