Fin octobre, le gouvernement levait le voile sur la première promotion du programme France Travel Tech pour faire émerger des champions technologiques tricolores du tourisme. Parmi les 15 lauréats, on retrouve notamment Click&Boat, spécialiste de la location de bateaux.
Pourtant, l’entreprise a bien failli ne jamais figurer parmi les startups retenues. «Nous avons probablement candidaté dans les dernières heures de l’appel à candidatures. Nous ne sommes pas à la recherche de paillettes et de visibilité médiatique. C’est probablement une erreur», reconnaît Jérémy Bismuth, co-fondateur de Click&Boat, auprès de Maddyness.
«Nous avons monté une entreprise avec un modèle sain»
Fondée en 2013, la société s’est imposée comme une référence sur le marché de la location de bateaux. Dans un secteur très peu digitalisé, elle a pris le large en s’appuyant notamment sur de multiples acquisitions (Sailsharing, Captain’Flit, Océans Evasion…). Même en 2020, année pourtant marquée par la pandémie de Covid-19, la marketplace française a continué à monter en puissance en mettant la main sur son rival allemand Scansail et l’entreprise espagnole Nautal. Cerise sur le gâteau, Click&Boat prenait son envol avec succès sur le marché américain avec l’appui de Boats Group et Permira. «Durant le Covid, contrairement à toute l’industrie du voyage, notre chiffre d’affaires n’a pas baissé», indique ainsi Jérémy Bismuth.
Après la crise sanitaire, c’est la crise du financement de la tech qui a suscité des craintes dans l’écosystème, mais elle n’a pas effrayé le patron de Click&Boat. «Après l’année 2021 qui avait été extraordinaire avec 70 % de croissance, l’année 2022 a été un peu compliquée, avec une croissance plus dure à soutenir. Mais le cash n’était pas un problème. Nous avons monté une entreprise avec un modèle sain. Il n’y avait pas besoin d’une levée de fonds pour assurer notre survie», assure le co-fondateur de la plateforme.
Néanmoins, la prochaine année a des allures de saut dans l’inconnu en raison du contexte économique et géopolitique actuel. «L’année 2023 est venue effacer les perturbations de 2022, avec 45 % de croissance sur un marché en baisse de 10 %. Pour 2024, il y a beaucoup d’incertitudes, notamment sur l’inflation et l’énergie. Personne n’est capable de prédire l’évolution de la situation au Proche-Orient. Nous rentrons dans une énième phase de doutes, donc nous préparons 2024 avec beaucoup de prudence. L’enjeu, c’est d’être le plus agile possible pour embarquer le bon niveau d’investissements», ajoute-t-il. Dans ce contexte, la société a fait le choix de de se concentrer sur des destinations clés, à savoir le pourtant méditerranéen (France, Espagne, Italie, Grèce et Croatie), les Antilles et les Seychelles.
«Nous avions oublié que la France était le pays le plus touristique du monde»
Fort de son expertise et de sa capacité à affronter les vents contraires, Click&Boat espère embarquer les autres pépites du programme France Travel Tech dans son sillage pour accroître le rayonnement de la France sur la scène touristique. Le défi est de taille alors que BlaBlaCar est la seule licorne tricolore du secteur. La plateforme de covoiturage fait partie des rares startups du tourisme, avec Virtuo et Evaneos, qui ont levé plus de 100 millions d’euros dans l’Hexagone. «Nous avions oublié que la France était le pays le plus touristique du monde. Paris est la ville la plus visitée de la planète. Nous avions pris ça pour un acquis», analyse Jérémy Bismuth pour expliquer le faible rayonnement de l’écosystème traveltech dans l’Hexagone, qui a laissé le champ libre à Uber, Airbnb ou encore Booking pour conquérir le marché français.
Par conséquent, le programme France Travel Tech vise à donner une nouvelle envergure à un écosystème qui peine encore à se structurer. «Les startups de la traveltech ont traversé un mini-désert entre mars 2020 et fin 2021. Plus globalement, de 2020 à fin 2023, il y a eu quatre longues années. Et il n’y a d’ailleurs eu aucune naissance d’une licorne française sur la période», note Jérémy Bismuth. «Avec ce programme, il y a l’espoir, collectivement, que l’on réalisé quelque chose de génial. Les 15 lauréats, nous sommes d’accord sur le fait de vouloir accélérer et gagner du temps», ajoute-t-il.
Comme l’union fait la force, le programme a vocation à multiplier les synergies entre les 15 startups retenues par le gouvernement et à nouer des alliances avec les 17 partenaires (ADP, Air France, Accor, Atout France, France Tourisme Lab, Bpifrance…) mis à contribution dans ce cadre. Et les Jeux Olympiques qui approchent à grands pas apparaissent comme un tremplin pour faire décoller ces jeunes pousses. «Ces JO sont une opportunité pour agir comme un catalyseur pour l’écosystème. Je suis persuadé que cela va être un énorme succès avec des retombées fortes avant et après les JO», estime le patron de Click&Boat. Reste désormais à savoir si la traveltech parviendra enfin à surfer sur la vague de la French Tech.