Cette année, près de 600.000 bouteilles de kombucha, une boisson fermentée à base de thé, sortiront de l’usine de production de Biomère, située près de Nantes. L’aventure de la startup a commencé six ans auparavant en région parisienne. Antoine Martin, alors ingénieur en géologie, réussit à convaincre son ami de promotion, François Verdier, de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. « Je creusais des tunnels en région parisienne, explique-t-il, mais je m’intéressais déjà depuis un moment à la nutrition et à la physiologie. » Après six mois passés au sein d’un incubateur de la CCI de Paris, les deux associés créent en 2017 leur startup appelée Jubiles. Leur objectif ? Produire des jus de légumes frais et du kombucha, et proposer ainsi une alternative saine aux boissons trop sucrées et mauvaises pour la santé.
Rapidement, ils tombent d’accord pour arrêter les jus frais, trop compliqués à gérer niveau logistique. Ils consacrent alors 100 % de leur activité à la fabrication de kombucha. Cette boisson pétillante est issue de la fermentation du thé : à une infusion de thé sucrée est ajoutée une bactérie pour faire fermenter le mélange. Des jus de fruits et infusions de plantes sont ensuite incorporés pour donner des goûts variés : pêche, citron vert/menthe ou encore hibiscus/myrtille par exemple. « Nous souhaitions remettre le curseur au bon endroit entre le plaisir et la santé », confie Antoine Martin. « C’est encore notre ambition aujourd’hui. »
Le kombucha est une boisson très populaire en Asie, notamment en Chine. Si ses origines précises restent mystérieuses, elle a débarqué une vingtaine d’années auparavant aux États-Unis et au Canada : le marché représente désormais plus d’un milliard de chiffre d’affaires annuel, selon Fortune Business Insights. Arrivé plus tard en Europe, le kombucha appartient au segment des boissons fermentées qui comprend aussi le kéfir. Ce marché représentait un chiffre d’affaires annuel de 13,8 millions d’euros en 2021 pour le réseau bio, selon la revue de marché Biotopia 2021 pour Jubiles, en constante progression ces dernières années. Il se développe aussi en grandes et moyennes surfaces.
Faire sa place sur le marché concurrentiel du kombucha
Depuis 2015, le kombucha est commercialisé en France par des marques historiques comme Karma Kombucha (33 % de parts de marché en juin 2023) ou encore Lökki (19 %). Mais selon Antoine Martin, « le côté plaisir était un peu mis de côté. Nous voulions proposer une alternative saine aux consommateurs d’Ice Tea ou de Coca Zéro, tout en soignant le goût et en offrant une boisson moins acide que les kombuchas déjà en vente. »
Tout s’accélère fin 2018. Jusque-là les fondateurs produisaient leurs boissons dans un appartement de région parisienne. Le salon servait alors de salle de production, le reste des pièces de bureaux et de lieu de stockage. Après une première levée de fonds citoyenne et un prêt sur l’honneur, ils déménagent à Joinville-le-Pont dans un local de 200 m². Ce nouvel entrepôt leur permet notamment d’acquérir des cuves en inox, comme dans les brasseries artisanales, pour faire fermenter pendant une dizaine de jours leur kombucha. « Au début, nous vendions en direct chez les commerçants locaux : magasins bio, petites épiceries de quartier ou restaurants », explique Antoine Martin.
Mais en 2019, le distributeur Monoprix contacte les dirigeants de Jubiles : l’enseigne souhaite référencer leur kombucha dans certains points de vente. Ils créent alors une seconde marque, Atika, destinée principalement à la commercialisation en grandes et moyennes surfaces. Jubiles devient Biomère et les deux cofondateurs élargissent ainsi leur business. Ils réalisent alors 300 k€ de chiffres d’affaires en 2020, le double l’année suivante, puis un million en 2022. Leurs boissons sont aujourd’hui présentes dans près de 1.400 magasins de l’Hexagone, dont la moitié pour le réseau bio.
La greffe semble donc avoir pris pour Biomère malgré une concurrence féroce : des dizaines de nouveaux acteurs sont en effet arrivées ces dernières années sur le marché. « L’offre augmente tous les ans », détaille Antoine Martin. « Il existe actuellement environ 60 marques de kombucha en France. C’est un peu un phénomène de mode, comme pour les brasseries artisanales à un moment. » Est-il pour autant difficile de se distinguer sur ce marché en pleine croissance ? « Nous fabriquons notre kombucha selon une méthode traditionnelle bonne pour la santé, mais sans pour autant sacrifier le goût. Les consommateurs savent faire la différence », confie-t-il.
La startup Biomère reste ambitieuse dans un contexte difficile
À l’été 2022, les cofondateurs ont décidé de mettre le cap à l’ouest et de déménager à Carquefou, en banlieue de Nantes. « Notre local en région parisienne devenait trop petit. Quitte à bouger, nous avions envie d’aller plus loin. Nantes est assez vite arrivée comme premier choix dans les discussions avec notre équipe. » Les projets ne manquent pas pour la startup dans un contexte économique rendu pourtant difficile par l’inflation et la guerre en Ukraine. « Le kombucha est un produit qui fait partie aujourd’hui des tendances de fond du marché des boissons, mais la conjoncture complique les choses », confirme Antoine Martin. Il reste cependant confiant : « Nous ne sommes pas des gros, mais nous avons encore une bonne marge de développement devant nous. » De quoi doubler à nouveau le chiffre d’affaires de la startup dans les mois qui viennent, un objectif ambitieux affiché par le dirigeant de Biomère ? L’avenir le dira.