Le Web Summit a publié son troisième rapport annuel sur l'équité des genres dans la technologie. L'enquête de cette année a interrogé 483 femmes à l'échelle mondiale, et les résultats montrent que les progrès vers l'égalité des genres dans le secteur demeurent graduels mais inégaux. Les préjugés inconscients, l'équilibre entre travail et famille, et le manque de femmes dans des postes de direction sont cités comme les obstacles persistants d’année en année, au même titre que les inégalités salariales.
Quelques jours après la fin de l’évènement, le Web Summit tire cependant un bilan positif de ses objectifs d’inclusion des Women in Tech. Si la parité totale n’est pas encore atteinte, les chiffres demeurent encourageants, avec 43 % de femmes participantes et 38 % d’intervenantes. Le flux de visiteurs à l’entrée du pavillon Women in Tech et le nombre d’auditeurs à la conférence sur la diversité comme avantage compétitif démontrent la volonté grandissante des femmes de s’imposer dans le secteur. La nomination de Katherine Maher à la tête du Web Summit a également été perçue comme un signal fort de ce mouvement de féminisation.
Une délégation française féminine historique
Soutenue par Business France et la French Tech, une délégation très spéciale était présente au salon. Nous avons pu échanger avec Soumia Malinbaum, présidente de la CCI de Paris, Véronique Torner, Présidente de Numeum, et Elisabeth Moreno, ex-ministre chargée de l'égalité femmes-hommes et actuelle présidente de la Fondation Femmes@Numériques. Cette dernière se dit extrêmement heureuse de voir pour la première fois dans l’histoire française une délégation de femmes cheffes d’entreprise dans le secteur du numérique se réunir pour faire avancer le sujet.
Rassemblées en consortium, les trois présidentes accompagnaient 26 femmes entrepreneures pour promouvoir la féminisation du secteur de la tech comme enjeu de premier plan. « Notre présence au Web Summit, avec une délégation forte, est essentielle : nous sommes dans une situation de régression. Les jeunes femmes s'intéressent de moins en moins aux métiers de la tech et il faut réagir avant que les grandes ruptures technologiques se fassent sans elles, et à leur détriment », explique Soumia Malinbaum.
Une régression en effet attestée par un rapport récent du HCE sur l’invisibilité de la femme dans le numérique, que complète Maÿlis Staub, présidente de Femmes du Numérique : « La non féminisation de la Tech va pénaliser de 10% le PIB de la Fance d’ci 2025. Au niveau européen, la perte est de 3 000 milliards de PIB. C’est donc un vrai enjeu économique et sociétal ». Véronique Torner abonde dans ce sens : « La féminisation de la tech n’est pas seulement un sujet d’inclusion mais de croissance. Nous sommes réunies pour travailler ensemble, casser ce plafond de verre des 30% de femmes dans la Tech et atteindre la parité. »
“Les femmes sont le vivier de talents le moins utilisé au monde”
L’objectif de cette délégation est multiple. Donner de la visibilité à ces femmes entrepreneures, les aider à trouver clients et investisseurs mais aussi créer un réseau de sororité pour faire évoluer les mentalités. « Il y a 25 ans, j’étais convaincue que la Tech aiderait les femmes à s’émanciper de mille manières. Et on se rend compte aujourd’hui que le sujet a régressé. Nous sommes la 7ème puissance économique mondiale et on ne sait pas tirer parti des femmes, le pool de talents le moins utilisé au monde », réagit Elisabeth Moreno.
Quelles solutions préconise la délégation ? La complémentarité pour opérer un véritable changement systémique et culturel. Femmes@Numériques travaille sur le pan éducatif pour faire en sorte que les jeunes filles s'intéressent au secteur, Numeum s’occupe de la reconversion des femmes pour leur ouvrir des perspectives dans les métiers émergents de la tech, tandis que la CCI capitalise sur l'entreprenariat féminin.
« J’ai passé 20 ans à singer les hommes et je veux aujourd’hui donner un autre modèle. De belles carrières sont possibles dans la tech pour les femmes, avec des rémunérations intéressantes et de la mobilité internationale. » Une vision partagée et applaudie par les cheffes d’entreprises présentes Web Summit, comme Julie Machillot, fondatrice de StoryFox, pour qui « un mouvement de sororité est en train de se créer ici au Web Summit, qui nous permet d’embarquer dans la tech les nouvelles générations qui n’osent pas y aller. »