Vouloir effectuer un check-up complet de santé peut vite virer au parcours de combattant, et Ismaël Emelien, cofondateur du mouvement politique En Marche et ex-conseiller d'Emmanuel Macron, en sait quelque chose. Il y a quelques années, il s'est lui-même retrouvé "un peu par hasard" à faire le point sur sa santé avec le docteur Claude Dalle, qu'il décrit comme "une personne passionnante" et une "référence internationale en matière de santé prédictive."
Le protocole, à l'époque, est contraignant. Il consiste à courir dans tout Paris des mois durant pour multiplier les rendez-vous chez divers spécialistes et plusieurs laboratoires où effectuer une batterie de tests. Mais Ismaël Emelien tient bon, et selon ses dires... il fait bien de s'accrocher. Car s'il se trouvait en très bonne santé, les résultats qui lui sont finalement donnés lui dévoilent une situation un peu moins rose... Bluffé par cette approche, il décide d'y envoyer son épouse, puis ses amis, qui en reviennent tous avec la même (bonne) surprise. Jusqu'au jour où le docteur Claude Dalle n'arrive plus à suivre le rythme, son carnet de commandes débordant. C'est là que commence à germer dans l'esprit d'Ismaël Emelien et de son ami Paul Dupuy une idée : celle d'ouvrir un centre dédié à la médecine préventive en plein Paris.
Zoī, un centre médical... mais une entreprise de data avant tout
Zoī, puisqu'il s'agit du nom donné à ce centre, ouvre ses portes ce vendredi 10 novembre dans le 2e arrondissement de Paris. Du moins en partie, puisque toute une aile du bâtiment, qui s'étendra sur pas moins de 2000 mètres carrés, sera inaugurée au début de l'année 2023. Pour cela, les deux entrepreneurs ont pu compter sur des investisseurs dont la renommée n'est plus à faire. Une levée de fonds de 20 millions d'euros a été réalisée, notamment auprès de Xavier Niel, Rodolphe Saadé ou Jean Moueix, qui auraient été "d'office intéressés par le sujet".
Le projet se divise concrètement en deux parties. D'un côté ce centre, où une équipe d'une quinzaine de personnes veillera à procéder aux check-ups médicaux complets. De l'autre, des bureaux où travaillent 45 personnes, dont deux-tiers consacrés à la tech. Zoī, en effet, est aussi et avant tout une "vraie boîte de data", qui mise sur le numérique avec une application. "C'est un ensemble, résume Ismaël Emelien. Le check-up ne sert pas à grand chose s'il n'est pas suivi d'effets".
Sur l'application, les patients pourront avoir accès à tout un tas de conseils personnalisés, avec de bonnes actions à mettre en place sur le long-terme, le régime alimentaire à adopter, ou encore, si nécessaire, le traitement médical à suivre. "Le plus fort impact que l'on puisse avoir sur notre santé, c'est en modifiant nos comportements au quotidien. 80 % des maladies chroniques pourraient être évitées grâce à une meilleure hygiène de vie", fait savoir le cofondateur.
Un guide d'utilisation de son propre corps
Pour Paul Dupuy, "entrepreneur depuis son plus jeune âge" - il a notamment travaillé à développer la startup Fancy, avant de co-fonder Workwell -, c'est finalement un peu comme si on repartait avec un "guide d'utilisation de son corps". "Quand on va acheter un micro-ondes chez Darty, on a une notice de plusieurs dizaines de pages pour savoir comment il fonctionne, mais pour notre propre corps, personne ne prend le temps de nous expliquer en détails. On doit se contenter de conseils généralistes comme ne pas fumer, manger des fruits et des légumes... qui ne sont pas toujours pertinents pour nous. On se retrouve noyés sous une quantité d'informations et de conseils qui ne sont pas personnalisés. Notre objectif, c'est ça : fournir le guide d’utilisation de son corps, à chacun."
Cela ne serait possible sans un gros travail technique sur les données, assure le second cofondateur. "Dans notre façon de traiter les données, on cherche à casser tous les silos qui empêchaient la médecine prédictive d'être véritablement efficace. L'important, c'est que toutes les données soient reliées entre elles et mises en relation pour une meilleure interprétation par le médecin", nous précise-t-il à ce sujet.
Selon lui, l'approche de Zoī est plus centrée sur le mode de vie que sur un aspect purement médical. Plutôt que de chercher à repousser à outrance les limites de l'espérance de vie, Ismaël Emelien nous dit ainsi favoriser le fait de "vivre en meilleure santé".
Démocratiser la médecine prédictive
L'accent a également été mis sur la qualité de service. Oubliez les aller-retours entre les différents laboratoires et cabinets médicaux, ou les errances entre les services, où vous craignez toujours de croiser un collègue ou un proche... Le défi de Zoī a été de rassembler 95% des examens nécessaires au check-up dans une seule et même pièce - un véritable "ballet" autour du patient.
Accessoirement, vous aurez droit à de jolis peignoirs plutôt qu'un tablier en papier fin, une déco bien pensée et très design, ou encore un vrai bon repas après votre prise de sang. "On veut rendre l'expérience désirable, résume Paul Dupuy à ce sujet, qu'on ait un réel plaisir à le faire, ou du moins que cela soit aussi plaisant que possible."
Cela aura évidemment un prix. Il faut compter 7200 euros la première année (où deux check-ups seront effectués), puis 3600 euros par an, avec un check-up annuel, plus les conseils sur l'appli au quotidien. Il paraîtrait que la centaine de bêta-testeurs ait en tout cas apprécié l'expérience, au point, nous dit-on, de "ne plus se voir le faire autrement".
Zoī, qui a un statut juridique d'entreprise à mission, devrait proposer des services de plus en plus accessibles. S'ils sont aujourd'hui réservés à une partie aisée de la population, Ismaël Emelien et Paul Dupuy entendent bien "démocratiser" autant que possible la médecine prédictive.
Paul Dupuy en est aujourd'hui persuadé : c'est l'avenir de l'histoire de la médecine. "Il y a eu un gros switch depuis le Covid, explique-t-il à ce sujet. Avant, la prévention était presque considérée comme une sorte de sorcellerie. Maintenant, c'est différent : la prévention est de plus en plus perçue comme un levier efficace pour maintenir les personnes en bonne santé. D'ailleurs le ministère de la Santé s'est récemment renommé en ministère de la Santé et de la Prévention..."