Depuis plusieurs mois, la vague d'intelligence artificielle (IA) initiée par ChatGPT semble occuper la majeure partie de l'attention des investisseurs. Ce n'est pas vraiment le cas de Serena qui a décidé de s'intéresser, plus en amont, aux fondations technologiques avec son nouveau fonds Data Ventures II. Le premier volet, créé en 2017 et focalisé essentiellement sur l'IA et le big data, a permis d'investir 70 millions d'euros dans des entreprises comme Dataiku, Mindee, Odaseva ou encore Accenta.
«Data Ventures II s'inscrit dans la continuité de nos efforts et n'est pas né avec la mouvance autour de l'IA générative», insiste Bertrand Diard, Partner chez Serena, lors d'une table ronde organisée ce jeudi pour officialiser le lancement du nouveau fonds. À ses côtés, Paul-François Fournier, directeur exécutif innovation de Bpifrance et Paul Midy, député de l’Essonne et membre du Conseil national du Numérique, participent aussi à l'événement.
Un focus sur la couche infrastructures, la blockchain et le quantique
Serena Data Ventures II se concentre sur 3 briques fondamentales. Il y a ainsi la «modern data stack» et l'IA d'une part ; à savoir l'architecture permettant une meilleure automatisation de la gestion, l'analyse et la gouvernance des données. La blockchain d'autre part, qui permet notamment de renforcer la confiance dans cette gestion des données. Et enfin, l'informatique quantique, présentée comme la source prochaine de ruptures dans les domaines de la cryptographie, de la découverte de médicaments, ou encore de l'optimisation et de la modélisation climatique.
«Les infrastructures technologiques ont toujours été le cœur invisible mais bel et bien vital de l’économie. Pourtant, 80 % de l’investissement se concentrent sur ce qui est visible : les couches applicatives», analyse Bertrand Diard. «Notre positionnement, c’est de s’attaquer aux 20 % restants, oubliés par les VCs.» Soutenu par des investisseurs institutionnels, dont Bpifrance via le Fonds national d’amorçage 2 et le Fonds européen d’investissement, et des investisseurs privés, le nouveau fonds souhaite investir en early-stage des tickets entre 500 000 et 3,5 millions d’euros.
Il sera piloté par Bertrand Diard lui-même, entrepreneur à l’origine de Talend, un éditeur de logiciel spécialisé dans l’intégration de données coté au Nasdaq. L’équipe d’investisseurs s’appuiera également sur Floriane de Maupeou, experte en technologies transformationnelles, et Matthieu Lavergne, ancien entrepreneur dans la tech.
Un enjeu de souveraineté d'autant plus marqué
«80 % des participations de Data Ventures I sont aujourd’hui présentes aux États-Unis», précise Bertrand Diard. «Notre valeur ajoutée réside dans la dimension internationale que nous donnons très tôt aux entrepreneurs français et européens que nous soutenons.» Au total, les entreprises du portefeuille ont ainsi levé plus de 350 millions d’euros auprès de fonds de renom comme Salesforce Ventures, GGV Capital, Eight Roads ou encore Balderton.
Smartphone en main pour justifier son propos, Paul Midy intervient : «Ce téléphone est fabriqué en Chine et commercialisé aux États-Unis, c'est un peu la honte, fustige-t-il. On pourrait le faire nous-mêmes mais il est temps pour l'Europe de se réveiller sur ces sujets d'innovation.» Même son de cloche du côté de Paul-François Fournier qui appelle à la création d'une «industrie de venture capital européenne» pour ne pas louper cette fois-ci les prochaines vagues technologiques. Ce dernier mise sur la deeptech et la capacité française à opérer le transfert des technologies de laboratoire pour s'imposer, tout en faisant valoir le plan de 54 milliards d'euros mobilisés dans France 2030 et l'objectif d'atteindre la création de 500 startups par an.
Si la France et l'Europe peuvent se targuer d'un riche vivier de talents, les principaux freins à leur développement dans la tech restent le morcellement réglementaire ainsi que la massification des financements - qui restent encore très anecdotiques face aux États-Unis. Serena conclut en ajoutant la capacité à dénicher les pépites de demain à même de répondre à des enjeux de rupture. Le mot de la fin est d'ailleurs accordé à Patrick Mollard, CEO de la fintech spécialisée dans la blockchain Fipto, ainsi que Niccolo Somaschi, cofondateur de Quandela, startup montante dans la photonique quantique. Ces deux projets font partie des premières jeunes pousses financées dans le cadre de Data Ventures II.