En 2013, le marché des podcasts était encore largement confidentiel en France. Marc-Antoine Durand a pourtant l’idée d’une application qui va permettre d’enregistrer des bulles vocales de moins de deux minutes, que ses utilisateurs vont pouvoir géolocaliser autour d’eux. « On avait construit ce réseau social audio avec quasiment pas de moyens, se rappelle Marc-Antoine Durand. Mais on avait réussi à avoir une belle notoriété. »
Cette notoriété est d’ailleurs la seule réussite incontestable de Bobler : le nombre d’utilisateurs ne décollera jamais et le modèle économique est aux abonnés absents. Il s’agit pourtant d’une formidable école de l’entrepreneuriat pour cette équipe de dix personnes qui s’est construite autour du projet. « On a appris à être résilient, explique le fondateur de Bobler. À toujours réfléchir à son modèle et à son produit en allant parler à ses utilisateurs. »
Un séminaire dans les Vosges pour passer de Bobler à LiPP
L’équipe gagne aussi en rapidité d’exécution. Si la création de Bobler avait pris un an et demi, leur application suivante sortira en moins d’une semaine. En effet, quand Marc-Antoine Durand comprend que cette première tentative ne sera pas fructueuse, il rassemble ses équipes pour un séminaire dans les Vosges pour faire émerger le nouveau projet.
Au terme des premières vingt-quatre heures, l’idée de LiPP était née : une application qui permettait de doubler des extraits de films ou discours politiques avec sa propre voix. Quelques jours plus tard après son arrivée sur le store en 2015, l’application LiPP avait déjà dépassé le nombre de téléchargements de Bobler. L’application atteindra finalement les 2 millions de téléchargements.
C’est la grande leçon de l’aventure LiPP pour Marc-Antoine Durand : craquer la dimension « growth » d’une application, atteindre la croissance tant attendue sur Bobler. « On est devenu expert dans la croissance des applications à ce moment-là, explique Marc-Antoine Durand à Maddyness. À l’intérieur de la boîte, on avait créé une agence de growth qui a accompagné des apps comme Tribe, Zenly, Songpop, etc. Et on finançait toute la boîte avec cette mini-agence de deux personnes, en les faisant atteindre la première place sur l’App Store grâce à un travail avec des influenceurs sur Snapchat, avec des Stories qui convertissaient très bien en termes de téléchargement. » L’aventure LiPP vient pourtant s’arrêter moins de deux ans plus tard en 2016.
Avec Bobler, Marc-Antoine Durand a appris les bases d’une aventure entrepreneuriale. Avec LiPP et son équipe, il a réussi à craquer l’acquisition des utilisateurs. Mais dans les deux cas, ils n’avaient pas réussi à mettre en place un modèle économique. C’était décidé : la monétisation serait la prochaine terre inconnue qu’explorerait l’entrepreneur.
Yubo dépasse les 30 millions d’euros de chiffre d’affaires
Au sortir de cette aventure en octobre 2016, Marc-Antoine Durand avait la possibilité de se faire recruter par plusieurs entreprises différentes. Il choisit de rejoindre Sacha Lazimi, Arthur Patora et Jérémie Aouate, trois entrepreneurs qui l’avaient impressionné par leur talent et leur résilience. « Cela correspondait vraiment à mon mindset que de rejoindre une boîte vraiment early où il y avait tout à faire », explique-t-il.
Le voilà donc COO de Yubo depuis 2016, accompagnant ce réseau social pour la génération Z à se développer. Si, avec plus de 60 millions d’inscrits, la croissance est définitivement un point fort du projet, la monétisation est également au rendez-vous avec un chiffre d’affaires annuel dépassant les 30 millions d’euros. Pour y arriver, malgré la gratuité de Yubo, l’application propose une série d’in-app purchase et abonnements pour booster sa visibilité sur le réseau social.
Et la suite ?
Le grand sujet du moment pour l’équipe sera de poursuivre son internationalisation. Une dimension déjà bien entamée puisque le marché numéro 1 de Yubo se trouve aux États-Unis, puis au Royaume-Uni, avant d’arriver à la France. Le Canada et l’Australie sont aussi bien développés, mais le réseau social cherche à y intensifier sa présence, ainsi qu’en Allemagne, Pays-Bas et Pologne où la traction est en train de prendre.
Face à ces belles réalisations, il serait logique d’imaginer que des acteurs puissent vouloir chercher à acquérir Yubo. Marc-Antoine Durand botte en touche : « On ne regarde pas cela parce que nous avons un potentiel de développement assez important… et au final une vision super forte. De plus, il y a une certaine lassitude des utilisateurs pour certains réseaux sociaux avec nombre d’eux qui se centrent sur les créateurs. On pense qu’il y a vraiment une place pour des applications qui sont là juste pour parler à des gens, à rencontrer de nouvelles personnes en fonction de ses intérêts. Nous n’avons pas d’influenceurs sur la plateforme, pas de créateurs, nous n’avons que des lives de 10 personnes maximum. »