Nicolas Dessaigne vient d’une famille d’entrepreneurs, mais d’un autre type. Un arrière-grand-père charron - l’ancêtre du mécanicien, à l’époque où les gens se déplaçaient encore en carriole - reconverti en électricien. Un grand-père qui transforma l’activité en réelle entreprise. Un père qui entreprit de poursuivre cet héritage. « Ni mon frère ni moi n’avons voulu reprendre la suite mais nous avons grandi dans une atmosphère qui encourage à créer sa propre destinée, sa propre aventure. »
Nicolas Dessaigne débute sa “propre aventure” à Tokyo, à l’occasion d’un stage de fin d’études d’ingénieur informaticien. À son retour en France, il intègre la société Arisem mais assiste à son déclin tout en devenant CTO. En parallèle, il soutient sa thèse, « difficile à effectuer dans ce contexte », en 2005. « Après ma thèse, l’écosystème startup français était inexistant et ce n’était pas idéal pour créer une boite. » Nicolas Dessaigne choisit donc de travailler pour une startup pour “apprendre”. Il rejoint Exalead en 2010, un moteur de recherche pour entreprises. « J’étais excité d’intégrer une startup plus importante. Entre le moment de ma démission et de mon embauche, Exalead est racheté. Au bout de six mois, mon patron est parti et je lui ai succédé à la tête d’une équipe de 60 personnes. »
« Un succès technologique mais un échec commercial »
Durant cette nouvelle expérience, Nicolas Dessaigne réalise que les grandes entreprises ne lui correspondent pas. Au moment où il souhaite partir, Julien Lemoine avec qui il avait déjà travaillé chez Exalead, décide de monter sa boite. Un alignement des planètes qui les mène à créer Algolia en 2012. « Je me souviens encore me dire “si je dois créer une boite, ce sera avec lui”. » Et de décrire : « Il est très intelligent et est l’un des meilleurs développeurs que je connaisse avec un côté 360° : il fait toujours de la tech au profit de quelque chose et est capable de se plonger dans les algorithmes les plus complexes et d’aller ensuite vendre ce que l’on fait : la combinaison de talents parfaite », assure-t-il.
Avec Algolia, les deux fondateurs font naître “un très bon succès technologique” mais essuient “un gros échec commercial”. Le moteur de recherche adapté aux téléphones et applications mobiles est finalement retravaillé en cloud. « Le besoin n’était pas aussi évident que ce qu’on pensait. On avait des clients, un peu de rentrée d’argent mais on se rendait bien compte qu’il fallait prendre la décision de pivoter. » Et c’est bien ce tournant vers le cloud qui permet de donner un second souffle à Algolia.
La construction d’Algolia, un vrai roller coaster
La construction de l’entreprise est digne d’un “roller coaster”. « Il faut développer une sorte de persistance. Pour obtenir le 1er client, il faut d’abord recevoir les refus de 99 autres personnes. » Quelques “phases démoralisantes” et puis finalement il apprend. « Ce que j’ai appris en tant que fondateur c’est qu’il faut toujours faire confiance à son instinct. »
Son instinct le guide justement Outre-Atlantique. « On n’a jamais eu de mots de français sur notre site web parce qu’on voulait être une boite qui pouvait vendre partout dans le monde. » Il décide de s’exporter à San Francisco dans l’espoir de bénéficier de l’aide et de l’accompagnement de l’accélérateur de startup Y Combinator.
« Nous n’avons pas été choisis mais nous sommes rentrés avec notre premier beta tester et notre premier client. » La startup est finalement choisie plus tard et là, toute l’équipe se déplace à San Francisco pendant trois mois. « C’était aussi l’excuse idéale pour se détacher de la France. Là-bas, notre ambition a complètement changé. À Y Combinator, on y trouve ce qu’on va y chercher : on apprend en 3 mois ce qu’on aurait appris seuls en 3 ans. » Algolia explose : « Toutes les boîtes qui étaient à Y Combinator en même temps que nous sont devenues nos clients et on a multiplié par quatre notre business en trois mois. » Et d’affirmer : « Est-ce qu’on aurait pu réussir sans Y Combinator ? Oui mais rien de comparable avec ce qui s’est vraiment passé. »
En 2019, peu de temps après la série C d’Algolia, Nicolas Dessaigne choisit de partir pour laisser sa place à une personne avec “plus d’expérience”. Depuis, il travaille à plein temps pour Y Combinator où il est devenu partner et peut désormais aider à son tour les jeunes entreprises qui passent par le programme. « C’est un honneur pour moi de participer à cela. » Pas de nouveau projet en perspective : « Être fondateur est à la fois terrifiant et la meilleure chose que l’on peut faire dans sa vie mais cela comporte un coût humain, familial notamment. Aujourd’hui j’ai une vie géniale et je n’ai pas envie d’en changer. »