Après avoir «démontré sa capacité à devenir une Nation Startup», la France doit désormais faire de même pour «devenir une Nation Deeptech». C’est en effet l’objectif affiché par Jean-Noël Barrot, ministre délégué au Numérique, à l’occasion des 10 ans de la mission French Tech.
Dans ce cadre, l’écosystème français devra prouver qu’il est à la pointe dans des domaines d’avenir comme l’intelligence artificielle générative et l’informatique quantique. Pour le deuxième nommé, la France compte quelques pépites, à l’image de Pasqal et Quandela, qui développent des ordinateurs quantiques. Mais ces sociétés ont fort à faire face à des mastodontes comme Google et IBM qui se disputent la suprématie quantique.
Pasqal, fer de lance de la France
Dans ce contexte, l’écosystème tricolore de l’informatique quantique doit continuer à se structurer pour monter en puissance et rayonner à l’international. Car pendant ce temps, les États-Unis et la Chine font chauffer la planche à billets pour se donner les moyens de dominer ce secteur révolutionnaire à l’échelle mondiale. Mais la France n’est pas en reste et un plan d’investissement national de 1,8 milliard d’euros sur 5 ans a ainsi été présenté par Emmanuel Macron en 2021. Objectif : transformer l’essai avec les acteurs de la recherche française pour les inciter à se tourner vers l’entrepreneuriat et ainsi créer des pépites de l’informatique quantique.
Avant même cet appel présidentiel, Charles Beigbeder et Christophe Jurczak ont lancé dès 2018 le fonds Quantonation pour faire décoller des startups spécialisées dans les technologiques quantiques. En parallèle, les deux associés, avec l’appui de Georges-Olivier Reymond, ont lancé en 2019 la société Pasqal, spin-off de l’Institut d’optique de Palaiseau. Cette entreprise fait aujourd’hui figure de référence européenne dans le secteur puisqu’elle ambitionne de développer un ordinateur quantique de 1 000 qubits. Pour y parvenir, Pasqal a non seulement fusionné en 2022 avec la société néerlandaise Qu&Co, spécialisée dans le développement d’algorithmes et de logiciels quantiques, mais la jeune pousse s’est surtout distinguée en début d’année avec une levée de fonds spectaculaire de 100 millions d’euros. Un record dans ce domaine sur le Vieux Continent.
Dans le sillage de Pasqal, d’autres startups françaises tirent également leur épingle du jeu dans l’écosystème quantique, à l’image de Quandela. Cette dernière, spécialisée dans la photonique quantique, a d’ailleurs séduit OVHcloud, qui a décidé de se tourner vers elle pour acquérir son tout premier ordinateur quantique. Il s’agit du type de collaboration que souhaite multiplier l’exécutif avec son plan national pour créer une émulation dans le secteur. Et pour cause, la France parviendra à figurer parmi les fers de lance de l’informatique qu’à condition de fédérer un écosystème impliquant laboratoires de recherche, startups et industriels. Sans collaboration entre ces derniers, c’est le risque d’offrir un boulevard aux géants américains et chinois.
Un effort à ne pas relâcher face aux États-Unis et la Chine
Pour renforcer cet écosystème encore naissant, la France a officialisé début 2022 le lancement de sa plateforme nationale de calcul quantique, notamment pour permettre à des startups européennes de tester leur machine dans des situations réelles. Une avancée majeure pour réaliser des calculs particulièrement complexes et ainsi explorer des applications industrielles avec cette technologie dont on peine encore à mesurer pleinement l’impact qu’elle aura dans plusieurs années. En effet, l’informatique quantique pourrait créer jusqu’à 850 milliards de dollars de valeur au cours des 15 à 30 prochaines années et révolutionner de nombreux secteurs, comme la cybersécurité, la finance ou encore santé, selon le cabinet BCG.
Pour l’heure, les États-Unis font la course en tête, avec une part de marché mondiale estimée à 27 %, à 679 milliards de dollars, devant l’Union européenne (14 % pour 346 milliards de dollars). Avec un poids de 88 milliards de dollars, la France doit de son côté se contenter d’une part de marché mondiale de 3 %. Mais en jouant collectif, le Vieux Continent a une belle carte à jouer comme en témoigne les 6,5 milliards de dollars d’investissements publics fléchés vers le quantique, soit le double de celui des États-Unis.
Mais l’effort européen est affaibli par un manque de coordination entre pays membres, la France et l’Allemagne ayant pris des directions différentes dans le cadre de leurs plans nationaux respectives par exemple, et un manque d’investissements privés qui complique la création de mastodontes européens à l’envergure d’un IBM ou d’un Google qui se tirent la bourre dans le quantique de l’autre côté de l’Atlantique. D’où l’urgence pour la France de mettre les bouchées doubles. Et c’est d’ailleurs tout le sens d’un nouveau programme qui doit être dévoilé cet après-midi à Station F.