Depuis le 1er août, l’impression automatique du ticket de caisse pour les petits achats du quotidien n’est plus une obligation, conformément à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC). Cette mesure symbolique n'est qu'un timide début, et il reste beaucoup à faire pour transformer nos mentalités, nos modes de production et de consommation.
La France a l'étoffe de devenir un champion de l'économie circulaire, si on s'attaque correctement à une des problématiques clés : la formation. Aujourd'hui, il est regrettable que le projet de loi relatif à l’industrie verte, discuté dernièrement au Parlement, n’ait pas abordé la question cruciale du recrutement et de la formation, malgré leur rôle primordial dans la réindustrialisation de notre pays.
Les filières manuelles sont délaissées
Pour illustrer notre retard, prenons un exemple concret. D’après le GIFAM, en 2022, le gros électroménager représente 16,6 millions de produits neufs vendus pour seulement 500.000 produits reconditionnés, soit 3 % du volume du neuf. Les volumes réparés, nettoyés et réintroduits sur le marché sont bien insuffisants pour changer les modes de consommation. Cette problématique s’inscrit d’ailleurs dans le débat public sur la réindustrialisation de la France, le Remade in France et la vision France 2030.
Nous avons les compétences, les infrastructures et la volonté pour réussir ce défi, lancer un mouvement vers le reconditionnement. Alors qu’est-ce qui cloche ? Une partie du problème réside dans le manque de techniciens et techniciennes experts. Il subsiste, en France, une réticence, voire une gêne, à exercer un métier manuel. Les filières manuelles sont délaissées et les investissements manquent pour pousser les jeunes dans cette direction. Cette situation nous plombe : pour atteindre ne serait-ce que 15 % du gros électroménager reconditionné, nous avons besoin de 2.700 techniciens reconditionneurs et plus de 10.000 opérateurs. Autant dire qu’un changement est urgent, si ce n’est capital.
Pousser la reconversion
Redorer ces professions exigeantes et indispensables doit être une priorité pour transformer la France en leader de l’économie circulaire, pionnière en matière de reconditionnement et de réemploi. Concrètement, il faut agir sur plusieurs leviers : la formation et l'attractivité des métiers liés au réemploi. D’une part, agir sur la rémunération et le temps de travail est un levier qui permet d’attirer et de fidéliser les femmes et les hommes dont les compétences techniques sont rares. La communication est également clé : le métier de reconditionneur est nouveau et peu reconnu, pourtant il répond à une quête de sens et un besoin de nouvelles conditions de travail pouvant attirer de nouvelles recrues. D’autre part, il faut prendre les devants en termes de formation professionnelle. Nous devons aider les jeunes et les moins jeunes à se former de manière pratique à ces métiers du futur.
Des formations en interne devront être portées par les structures privées. Mais il s’agit d’une solution sur le court terme. Pour construire une véritable filière de reconditionnement en France, il faut penser plus loin et mettre en avant les formations, en investissant dans les organismes de formation traditionnels, en poussant la reconversion. Autant de sujets oubliés dans le projet de loi de l'industrie verte pour l’instant et pourtant primordiaux.
Aujourd’hui, et seulement en France, 48 appareils électroménagers (petits et gros) sont jetés chaque
minute, soit 25 millions à l’année. Si nous voulons répondre à l’urgence climatique, agissons pour la réduction des déchets et de la production. C’est un des principaux leviers pour diminuer notre empreinte, alors que depuis le 2 août, jour du dépassement, nous vivons en situation de dette écologique.
Les femmes et les hommes qui œuvrent, et œuvreront demain à plus grande échelle, en faveur de
cette mission, doivent être reconnus à leur juste valeur comme des acteurs essentiels de la transition écologique. C’est en redonnant du sens et de la fierté à ces professions et en investissant dans la formation que nous ferons de la France, une nation du réemploi.