«Je ne suis pas très diplomate, je dis ce que j’ai envie de dire. Je suis perçu comme étant un peu clivant», reconnaît volontiers Pierre Gaubil. Et en effet, l’entrepreneur français, qui a longtemps vécu dans la baie de San Francisco, n’a pas sa langue sa poche quand il s’agit d’évoquer le climat qui règne actuellement dans l’écosystème des startups. Maddyness l'a rencontré cette semaine à Station F à l'occasion de l'événement B2B Rocks.
A contre-courant des discours mesurés du moment, le créateur de 34 Elements, une académie en ligne pour épauler les entrepreneurs, estime que la situation actuelle est quelque peu délicate pour les jeunes pousses. «La situation est beaucoup plus critique que les médias ne veulent bien nous le faire croire. Seules les choses extraordinaires parviendront à s’en sortir. Ça n’a jamais été aussi difficile», estime Pierre Gaubil. Et de renchérir : «Dire que l’écosystème est résilient, c’est du foutage de gueule. C’est une boucherie en ce moment.» Des propos qui détonnent alors que nombreux sont les observateurs à saluer la résilience de l’écosystème malgré un robinet à cash qui coule beaucoup moins à flots.
«Faire croire que tout le monde va survivre, c’est complètement débile»
A ses yeux, il est donc nécessaire d’être honnête avec les entrepreneurs dans cette période davantage propice aux désillusions. «Dans ce contexte, il est encore plus utile d’être direct et sans concession vis-à-vis des entrepreneurs. Il faut avoir un discours de vérité. Pour ma part, je suis direct tout en étant bienveillant», indique Pierre Gaubil. «Faire croire que tout le monde va survivre, c’est complètement débile. Certes, l’entrepreneuriat, c’est apprendre aux gens à survivre. Mais il faut aussi savoir mourir vite. Les startups évoluent dans un environnement darwinien, c’est très animal», ajoute-t-il.
Le contexte actuel conforte ainsi davantage l’entrepreneur tricolore, qui a créé notamment les startups Cast, Days of Wonder et Sensopia, dans sa manière d’accompagner les entrepreneurs. «On apprend plein de choses, mais on n'apprend pas à être entrepreneur. Donc les entrepreneurs sont un peu livrés à eux-mêmes, ils apprennent par l’échec et ça fait mal», analyse-t-il. Avant de compléter sa pensée : «Aujourd’hui, dans les systèmes d’accompagnement, à l’image de l’écosystème, il y a des choses très bien et des choses très toxiques. Beaucoup de systèmes d’accompagnement sont très néfastes, car ils font faire aux entrepreneurs ce qu’il ne faut pas faire.» Dans ce cadre, il regrette notamment la disparition de The Family, dont les fondateurs se déchirent désormais devant les tribunaux. «Depuis, il y a un vrai trou, avec beaucoup de choses qui ne sont pas terribles», confirme le patron de 34 Elements.
«Xavier Niel, c’est notre Elon Musk»
Selon Pierre Gaubil, cette situation peut finir par écœurer certaines personnes, au point de les détourner de l’entrepreneuriat. «Il y a beaucoup d’entrepreneurs désabusés. La plupart ont été happés et sont ressortis un peu vides de leur expérience dans l’entrepreneuriat. C’est un vrai souci», observe-t-il. D’où l’urgence aux yeux de l’entrepreneur de faire évoluer la manière d’accompagner les entrepreneurs. «Être capable d’aider une startup, c’est intimement compliqué. Il faut transformer l’expérience en expertise. Il y a une vraie noblesse à être aidés par des gens qui savent», estime Pierre Gaubil.
Dans ce cadre, l’apparition des «mafias» de startups pourrait jouer un rôle clé pour faire grandir l’écosystème. Ainsi, BlaBlaCar et eFounders montrent la voie en France, en marchant dans les pas de PayPal aux États-Unis. «Nous avons des talents extraordinaires en France. On va avoir des réussites qui vont occasionner d’autres réussites. On va créer de l’essaimage pour créer un écosystème», assure Pierre Gaubil. Dans cette perspective, il est donc impératif de mettre en avant les figures clés de l’écosystème, à commencer par Xavier Niel, le fondateur d’Iliad, Station F ou encore Kima Ventures. «Xavier Niel, c’est notre Elon Musk. Glorifions-le, remercions-le ! Il faut le mettre sur un piédestal. C’est Xavier Niel qui a créé l’écosystème, pas la French Tech !», lance-t-il. Voilà qui a le mérite d’être clair. Mais il n’est pas certain que de tels propos ravissent l’ensemble de l’écosystème et le gouvernement.