Deux enjeux importants vont apparaître avec cette nouvelle donne pour les équipes produit et de développement.

Le premier enjeu est d’ordre économique et il pourrait s’avérer majeur : il s’agit ici de passer d’un modèle où le développement informatique coûtait cher en investissement de R&D (les équipes de développement expérimentées ayant vu leur coût se démultiplier ces dernières années avec l’essor des startups tech), mais peu en termes de coûts de fonctionnement (globalement des frais de hosting), à un modèle où le coût d’entrée sera plus faible, supporté par des acteurs majeurs de l’IA, mais qui repose sur un modèle de coût lié à l’usage.

Si l’on pousse le modèle, il s’agit donc de passer d’un développement informatique financé par de gros Capex jusqu’ici, à du développement beaucoup plus léger mais qui impliquera des Opex plus élevés dans la production. Or, ce pricing à l’usage (sur une base de requêtes call API) présente un risque important de perte de marge, et doit donc amener à une réflexion profonde sur les domaines dans lesquels utiliser les LLMs, et surtout comment optimiser leur usage au sein des tech stacks des entreprises. Il faudra éviter que les marges des éditeurs de logiciels partent vers les sociétés de GenAI, tout comme les marges des e-commerçants ont été décimées par les larges plateformes publicitaires en ligne.

Le deuxième enjeu est un sujet de souveraineté et d’indépendance stratégique. Nous pourrions être actuellement face à un tournant dans l’histoire de la tech, en recréant dans le logiciel une véritable dépendance de l’ensemble du marché à une poignée de gros acteurs technologiques. La révolution en marche sur l’IA générative, dont les modèles actuellement les plus répandus comme celui d’OpenAI ressemblent massivement à des boîtes noires centralisées et contrôlées par des grands acteurs de la tech, va actuellement dans cette direction.

Néanmoins, et probablement à la lumière de l’expérience qui a mené à la domination des GAFAM dans le B2C, de plus en plus d’acteurs de la tech se prononcent aujourd’hui en faveur de modèles plus ouverts, open-source, et qui permettraient d’éviter à la fois une dépendance trop forte, mais aussi de garder la main sur la gestion des données et des usages de ces LLMs. On peut citer la société Mistral.ai, dont la levée a fait les gros titres il y a quelques semaines, fondée par des anciens de Google et Meta, et dont l’ambition est justement de proposer un modèle ouvert et distribué, pour redonner le contrôle aux entreprises utilisatrices, et éviter ce fameux effet centralisateur.

L’IA générative va définitivement révolutionner le monde de la tech, notamment, en rendant accessible au plus grand nombre les capacités de développement informatique et en modifiant structurellement certains marchés. Nous sommes au début d’une nouvelle ère. En faisant le parallèle avec l’internet et l’internet mobile qui ont permis l’essor des modèles SaaS, eux-mêmes à l’origine des grandes révolutions dans le B2B ces dernières années, il est difficile de prévoir précisément quels seront les effets sur nos écosystèmes au sens large. Une chose est sûre : ne pas embrasser totalement ce changement de paradigme, c’est non seulement prendre le risque de rester à l’écart du progrès, mais aussi prendre le risque de perdre toute pertinence à l’avenir.