Pappers était originellement destiné à ne rester qu’un petit side-project. Pierre Fruchard et Romain Banchetti ont lancé Coover en 2019, un courtier en assurance dédié aux professionnels.
Dans le cadre de leur stratégie d’acquisition, ils décident de créer une série d’outils utiles aux entrepreneurs. Ils creusent plusieurs marchés et notamment celui des informations légales des entreprises. La récente loi Macron de 2015 prévoyait de mettre fin aux monopoles des professions réglementées en permettant les projets d’open data sur le registre du commerce et des sociétés.
Ils découvrent l’aberration de certains entrepreneurs qui doivent payer pour avoir accès à leurs propres informations (de type Kbis ou statut) si jamais ils venaient à les égarer.
« On a eu la bonne intuition de creuser le sujet à ce moment-là, confie Pierre Fruchard, co-fondateur de Pappers et Coover. Nous étions en mars ou avril 2020, les données allaient être ouvertes en juin. On a tout juste eu le temps de construire la première version pour la sortir en juillet. Et cela a été un succès immédiat. Je dois avouer que le succès nous a un peu dépassé. »
Si le projet a été mis en place pour soutenir la croissance de Coover, ils comprennent très vite la nécessité de construire une deuxième entreprise en parallèle de la première. Les deux projets sont trop différents, Pappers était un pari un peu fou qui allait rapidement nécessiter le recrutement d’une équipe dédiée. Il y avait la volonté de séparer les deux activités pour protéger leur activité assurantielle.
Une course de vitesse
Pierre Fruchard et Romain Banchetti comprennent vite que ce nouveau marché qu’ils adressent, va être une course de fond. L’ouverture des données allait permettre à de nombreux acteurs concurrents de se lancer en même temps qu’eux.
« On était persuadé qu’il y avait une vraie place à prendre en tant qu’alternative aux acteurs payants, explique le co-fondateur de Pappers. Mais nous n’avions pas le temps de réfléchir au modèle économique, on a décidé d’aller le plus vite possible pour délivrer le meilleur des produits. »
Pendant cette première année 2020, les équipes de Pappers se concentrent donc sur la construction de la marque, et sur le développement de nouvelles fonctionnalités demandées par la communauté.
En année deux, ils décident de monétiser l’accès à leur API et cette décision leur permet d’être rapidement à l’équilibre.
En effet, même si l’accès aux données est maintenant ouvert, ils arrivent à apporter suffisamment de valeurs ajoutées pour que les entreprises choisissent de payer pour une solution clé en main qui fonctionne plutôt que de tenter de recréer cette brique technologique par eux-mêmes.
Aujourd’hui, Pappers compte ainsi une centaine de clients parmi lesquels AXA, Bpifrance, la Banque Postale, le Crédit Agricole, EDF, Groupama, Memo Bank, Qonto, Saint-Gobain ou la Société Générale.
« Avec Pappers, lance Pierre Fruchard. On s’est connecté à différentes API pour récolter la donnée que l’on va centraliser sur une seule application qui est stable et qui agrège toutes nos sources. On va ensuite brancher cette API sur leur système d’information de type CRM ou ERP pour que leurs données internes soient toujours aussi fraîches que la donnée Pappers. »
Les entreprises utilisent ainsi l’API Pappers pour de multiples cas d’usage, mais notamment la mise en conformité et la gestion des risques bancaires.
Si les 100 premiers jetons d’accès à l’API sont gratuits, la startup propose ensuite des forfaits de 500 à 100 000 jetons par mois.
Une rentabilité presque immédiate
Pappers annonce donc atteint l’équilibre en moins de douze mois.
« On fait attention aux dépenses, et on travaille beaucoup, partage le co-fondateur de la solution. Mais on embauche dès que l’on a le revenu mensuel suffisant pour payer les salaires. On a une approche assez frugale, mais on pense pouvoir aller assez loin sans lever des fonds. On est aujourd’hui une équipe de vingt-cinq personnes. »
Les co-fondateurs ont fait le choix de ne rien externaliser, proposant aux collaborateurs d’apprendre sur de nouveaux sujets pour que la compétence soit disponible en interne, tout en économisant beaucoup d’argent.
L’approche bootstrap plaît bien à cette entreprise qui se prépare à faire 100 % de croissance l’année prochaine. Pierre Fruchard admet pourtant que le sujet de la levée de fonds arrivera certainement sur le tapis. La donnée s’ouvre aussi à l’étranger donnant à Pappers l’envie d’essayer de répliquer son succès à l’international. Un projet qui ne pourra pas se faire sans réaliser une augmentation de capital.
Dans un même temps, les équipes ont mis à disposition deux nouvelles verticales avec Pappers Justice, un outil destiné aux avocats qui fait ce même travail d’open data sur les décisions judiciaires, ainsi que Pappers Politique, un outil destiné aux lobbyistes en rassemblant toute l’information institutionnelle française et européenne.
Pappers propose enfin un service juridique payant, 100 % en ligne qui permet de créer son propre journal d’annonces légales, mais aussi bientôt de créer son entreprise en quelques clics.
La startup annonce aujourd’hui servir 3 millions d’utilisateurs mensuels avec l’ambition de monter à 5 millions l’année prochaine.
De son côté, Infogreffe (l’acteur historique lancé en 1986) annonçait il y a quelques jours le lancement d’une nouvelle plateforme de services « résolument tournée vers ses usagers »
La bataille semble être lancée.