Quand il s’agit d’évoquer les pépites de l’écosystème crypto en France, ce sont souvent Ledger et Sorare qui sont mis en avant. Cependant, dans l’ombre de ces fleurons tricolores du secteur, d’autres acteurs, plus discrets, cherchent également à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas notamment d’ACINQ, une jeune pousse qui s’attaque aux problèmes de scalabilité du bitcoin.
Pourtant, la société était partie dans une autre direction à sa création en 2014. «Lors de la naissance d’ACINQ, les fondateurs estimaient qu’il y avait deux choses principales à résoudre : la protection des bitcoins et la scalabilité du bitcoin. Au départ, ils se sont concentrés sur la protection des bitcoins en France et en Europe et cela s’est matérialisé par un premier prototype hardware, mais Ledger était déjà bien engagé sur le sujet. Par conséquent, les fondateurs ont estimé que ce n’était pas une bonne idée de se concurrencer», explique Bastien Teinturier, VP Engineering chez ACINQ depuis 2019, à l'occasion de l'événement Surfin' Bitcoin à Biarritz.
Le «Lightning Network», un game-changer pour les transactions en bitcoin
Dans ce contexte, Pierre-Marie Padiou et Fabrice Drouin, les fondateurs de la jeune pousse, ont décidé d’adresser la problématique de scalabilité du bitcoin. Un virage qui est survenu au bon moment, puisque c’est en 2015 qu’a été présenté le «Lightning Network» en 2015. Il s’agit d’un dispositif en surcouche du protocole bitcoin, qui repose sur des canaux de paiement bi-directionnels pour effectuer des paiements répétés entre deux personnes sans frais de transaction.
Cette approche a ouvert la porte au traitement des transactions en bitcoin à un flux illimité pour des paiements instantanés et peu coûteux. A titre de comparaison, le système initial du bitcoin a été initialement conçu avec une capacité très limitée ne permettant pas de supporter plus de dix transactions par seconde dans le monde entier. De quoi rendre difficile sa progression pour se positionner en véritable alternative à des réseaux de paiement comme Visa ou Mastercard.
Mais pour Bastien Teinturier, la finalité principale est différente : «Certains veulent à tout prix que tout le monde utilise le bitcoin, mais il faut surtout qu’il permette de résoudre les problèmes des gens. En Amérique du Sud, en Afrique ou en Asie, les gens comprennent la valeur du bitcoin, avec des zones avec un mauvais réseau et une faible bande passante. Cela peut donc être intéressant pour ces personnes, qui n’ont pas accès à des banques, d’utiliser le Lightning Network. Mais il est essentiel qu’il n’y ait pas de problème de scalabilité.»
«Un bear market, c’est très bien pour consolider de la tech»
Pour relever ce défi, plusieurs sociétés se sont lancées dans l’aventure, l’image d’ACINQ, mais aussi de Blockstream, Lightning Labs, Spiral (ex-Square Crypto), spin-off de Square, ou plus récemment Lightspark, la startup de David Marcus. Mais dès 2016, l’ensemble des sociétés prenant part à la construction du «Lightning Network» ont accordé leurs violons pour que leurs différents systèmes puissent s’interconnecter.
De son côté, l’entreprise française, qui a levé 7 millions d’euros en 2019, a développé Eclair, sa propre implémentation du protocole «Lightning Network», mais aussi Strike, une API pour permettre aux commerçants d’intégrer les paiements «Lightning», et Phoenix Wallet, un portefeuille pour envoyer et recevoir des bitcoins. «Nous sommes les seuls à s’être rapidement dit qu’il fallait développer un wallet mobile», se félicite le VP Engineering d’ACINQ.
Au-delà de l’intérêt qu’il représente pour les utilisateurs, ce wallet mobile constitue aussi un levier pour la société afin de proposer davantage de services et les monétiser. «Nous ne savons pas si c’est notre business model à long terme, car c’est un projet de R&D pure. Comme on construit une infrastructure, on ne sait pas encore exactement quels seront les cas d’usage. Mais dès que le réseau décollera, nous serons les mieux placés pour les développer», assure Bastien Teinturier. En attendant, l’ingénieur de formation ne se montre inquiet outre-mesure pour sa paroisse malgré le bear market. «On adore les bear markets car on peut retravailler plus calmement. Un bear market, c’est très bien pour consolider de la tech. Et malgré tout, le bitcoin reste relativement haut», observe-t-il.