Peut-être avez-vous entendu (ou même partagé ces poncifs) : "Les anciennes et les nouvelles générations n'ont pas les mêmes attentes", "C’est parfois difficile pour un jeune de 25-30 ans de manager quelqu’un de plus âgé", "Les jeunes sont hyper-connectés, je ne suis pas certain d'être capable ou d'avoir envie de m'adapter.".
Bien souvent, le senior n’a pas pu montrer l’ourlet d’un pantalon en velours côtelé dans une entreprise qu’il s’est déjà fait swiper à gauche (ou il s'est lui-même auto-swipé !). Pourtant, il suffirait de pas grand chose pour que les entreprises changent leur état d’esprit et leur regard sur l’expérience. Pour détricoter ces croyances, il faut donc attaquer le mal à la racine et … adopter un vieux !
Il est temps de déconstruire les idées reçues
D’abord parce qu’avec 54 % de taux d’emploi des seniors, la France est à la traîne en Europe. Ensuite parce qu’avec un taux d’emplois vacants record (8 fois plus importants qu’en 2003) la pénurie de profils est devenue le problème numéro 1 des DRH en 2023. Tout le monde est perdant.
Sans prétendre qu’un exemple peut devenir une règle générale, je voudrais vous parler de mon expérience de senior au “pays des start-ups”. J’ai 58 ans et 35 ans d’expérience dans le secteur du conseil en RH et Management. Recruté en 2020 chez Ignition Program (une agence de conseil RH 360°) je suis chargé de la R&D. Dès les premiers jours quand je rencontre mes futurs collègues, c’est le choc : “FOMO”, kiffer son taff, chiller, ghoster, bitcher, méga chaud, ... autant d’anglicismes “djeunes” qui me font prendre conscience que j’ai passé la frontière… d’un monde meilleur ?
Avoir 58 ans et travailler dans une boîte où la moyenne d’âge est de 28 ans… l'âge de mon fils !
En startup, le senior est souvent tabou. Selon une étude sur la diversité et l’inclusion au sein de l’écosystème startup de Diversidays de juillet 2022, 39 % des candidats ont été victimes d’une discrimination à l’embauche en startup. L’âge étant le premier critère discriminant.
Forcément, avant d’intégrer la boîte, j’avais des doutes, des interrogations :
- Pourquoi rejoindre une entreprise dont la moyenne d'âge est de 28 ans, l'âge de mon fils ?
- Comment pourrais-je être heureux dans cet univers dont je maîtrise mal les codes?
- Quelle création de valeur pour rendre pérenne mon engagement et ma place dans la boîte ?
Plus de trois ans plus tard, je suis le “Doc” d’Ignition, et probablement plus heureux dans mon job que jamais dans ma vie professionnelle.
Les ingrédients d'une intégration réussie
Détricoter les croyances c’est aussi se remettre en question, questionner son rapport à l’autre, envisager une nouvelle approche du management et lutter contre ses propres biais cognitifs. Au quotidien, c’est :
- être curieux de tout et de tous, sans jugement, sans a priori, sans préjugé
- accepter de ne pas savoir plus et mieux que des plus jeunes ou moins expérimentés
- s'autoriser à apporter un regard distancié sur des pratiques professionnelles différentes
- réaliser ses missions en apportant son expérience mais surtout sans s’y sentir cadenassé ! Tout renvoyer à son expérience passée serait contre-productif car il est nécessaire d’avoir un regard neuf
- accepter le décalage culturel générationnel mais ne pas renoncer à être ce que l’on est, être sincère authentique, ne pas chercher à “faire jeune”.
Et parce qu’un vieux dure longtemps, il faut également penser dans la durée :
- identifier les critères de création de valeur dans la boîte et s'attacher à les respecter voire à les dépasser,
- identifier les attitudes et comportements avec lesquels je suis en phase et les décliner à ma "sauce" (réactivité, autonomie, humour et sens de la répartie, créativité, sens de la coopération, disponibilité),
- adapter mon mode de communication écrite et orale à la culture de la boîte.
Oui, on peut s’entourer de plus compétent que soi sans se retrouver infantilisé ! La formation et le développement personnel peuvent contribuer grandement à faire sauter ces verrous, ces biais cognitifs, et à remettre en place des symboles qui nous mettent à l’aise, de part et d'autre.
A rester dans leur consanguinité, les entreprises se coupent d’une grande diversité d’âge et de profils ; une diversité garante d’agilité et de rentabilité.
Je voudrais proposer de tenter le pari à tou(te)s les recruteur(euses) en difficulté pour trouver des talents, et à tous les candidat(e)s de plus de 50 ans qui ont envie de penser leur fin de carrière comme un renouvellement rafraîchissant et stimulant : Adopte un vieux, adopte un jeune !