Si le sujet revient régulièrement sur le devant de la scène depuis des décennies, la question du pouvoir d’achat semble capter une grande part des préoccupations de l’époque.
Et en parallèle, les entreprises cherchent toujours à fidéliser leurs talents, sans pour autant avoir la possibilité d'augmenter les salaires de leurs collaborateurs. Quel rapport pourrait-il y avoir entre ces grands enjeux sociétaux et la question des titres restaurants ? La réponse est simple : ce moyen de paiement permet aux entreprises de donner du pouvoir d’achat à leurs collaborateurs. Si le titre restaurant a été lancé dans les années 1960, les entreprises ne sont aujourd’hui que 10 % à l’avoir adopté. Plusieurs évolutions pourraient pourtant faire basculer les 90 % restants dans cette direction.
Décomplexifier un secteur
Si 90 % des entreprises françaises ne proposent pas encore ces avantages à leurs salariés, c’est surtout une question de complexité. Chacun des 8 avantages existants aujourd’hui (titre restaurant, titre cadeau, titre vacances, forfait mobilité durable, allocation télétravail, titre culture, participation sport et service à la personne) répond à ses propres règles, avec son propre plafond.
" Depuis la création de May il y a un an, on a déjà fait dix modifications du moteur de règles. C’est presque une modification par mois ", explique Boris Jottreau, fondateur et CEO de May, une startup qui a apporté plus de cinq millions d’euros de pouvoir d’achat pour les salariés de ses 100 entreprises clientes.
Difficile pour une petite entreprise de suivre l’évolution de l’ensemble des législations liées à ces avantages. Il s’agit de la raison pour laquelle de nouveaux acteurs s’emparent du sujet pour venir en simplifier la gestion. Si c’est le cas d’acteurs comme Swile ou Openeat, May se targue d’être le seul à centraliser l’ensemble des avantages salariés à date.
Dans un souci de faciliter encore plus les choses pour les collaborateurs, le montant des avantages n’est pas en silo, puisque May permet à une entreprise de définir une cagnotte (en moyenne 3.000 euros par an, avec certaines entreprises qui mettent jusqu’à 10.000 euros) et les collaborateurs vont pouvoir en dépenser un douzième chaque mois sur les avantages de leur choix.
" Certains vont beaucoup aux restaurants, d’autres sont fans de culture, d’autres vont s’équiper d’un deuxième écran pour le télétravail, décrypte Boris Jottreau. Et comme on se synchronise directement avec leur compte bancaire, ils reçoivent le remboursement automatiquement. C’est une manière complètement différente d’aborder les avantages. ".
En effet, grâce à l’Open Banking rendu possible par une récente directive européenne, il n’y a pas besoin d’une deuxième carte spécifique aux avantages salariés (bien que May la propose aux entreprises qui le souhaitent). Les collaborateurs se voient remboursés sur des achats réalisés avec leur carte personnelle en direct. " Cela veut dire qu’au 15 du mois, 99 % de nos clients ont vidé leur cagnotte ", lance Boris Jottreau.
Un bras armé de l’État ?
La stratégie serait pourtant " gagnant, gagnant, gagnant ", d’après le CEO de May. Gagnant pour le collaborateur, gagnant pour l’entreprise… mais elle apporterait également un avantage pour l’État. " Le gouvernement cherche à soutenir le pouvoir d’achat sur des choses qui sont fléchées, explique Boris Jottreau. Avec l’enjeu de déverser du pouvoir d’achat sans que ce soit pour acheter des produits aux effets néfastes, mais des produits sociétalement positifs. ".
Le chèque culture avait ainsi été mis en place pour démocratiser l’accès à la culture, alors que le titre restaurant voulait encourager les collaborateurs à manger plus sainement. Dans les exemples plus récents, le forfait Mobilité Durable offre jusqu’à 800 euros d’avantage pour privilégier les moyens de locomotion durable.D’autres avantages pourraient émerger prochainement pour continuer de favoriser des dépenses ayant un impact sociétal positif.
C’est du moins la conviction de Boris Jottreau qui voit combien le secteur des avantages salariés pourrait devenir le " bras armé de l’État pour soutenir certains types de dépenses ".
D’après lui, il serait possible d’imaginer un niveau de granularité permettant à l’État de définir un avantage à utiliser uniquement auprès des petites librairies, ou pour venir soutenir les commerces d’une région française qui aurait connu une catastrophe naturelle par exemple.
" Une fois mis en place, déclare Boris Jottreau. L’État aurait un levier d’action de dépenses publiques extrêmement efficaces pour aller soutenir des secteurs à un moment donné. On est vraiment à un moment d’inflexion où la technologie va permettre d’exploiter à fond ce potentiel, au moment propice où le pouvoir d’achat est un enjeu majeur. ".