C’est une bataille judiciaire de longue haleine que se livraient depuis plusieurs années deux startups. Le spécialiste du VTC Heetch, qui accusait l’application de covoiturage Citygo de ne pas respecter les réglementations en vigueur et de lui faire ainsi de la concurrence déloyale, a finalement été débouté devant la justice mercredi 7 juin.
Une bataille judiciaire de plusieurs années
Lancée en 2016 dans plusieurs grandes villes françaises, l’application Citygo s'est retrouvée trois ans plus tard dans le viseur du gouvernement, alors saisi par les VTC. Tout comme Heetch s’était fait remonter les bretelles suite aux plaintes des taxis quelques années auparavant, Citygo se faisait accuser par les VTC de concurrence déloyale.
Son objectif était - et est toujours - de mettre en relation conducteurs et passagers, grâce à la géolocalisation. On pouvait à ses débuts réserver un trajet en avance, ou à l’instant T. Les conducteurs pouvaient choisir quant à eux, d’accepter ou non le trajet, le tarif étant toujours fixé par un accord entre les deux parties.
Il est extrêmement simple de s’y inscrire, ce qui a pu conduire à certaines dérives, des conducteurs multipliant les trajets “non prévus” pour arrondir leurs fins de mois. Si Citygo a toujours assuré sur son site qu’un conducteur utilisant “un véhicule professionnel de type VTC ou taxi, une voiture de fonction ou de service”, s'exposait à une suspension de son compte, le ministère des Transports n’avait pas jugé cette mise en garde suffisante. Il avait sommé en 2019 Citygo de “faire cesser toute pratique illégale”, l’enjoignant à durcir ses règles et “limiter les abus”.
Une concurrence déloyale envers les chauffeurs de VTC ?
Citygo a expliqué avoir par la suite mis en place des systèmes pour mieux encadrer les pratiques des conducteurs. Les conducteurs ne peuvent en théorie prendre des passages que sur les trajets déjà prévus pour leur compte. Le nombre de trajets par jour a également été limité à 4 par personne. Pas de quoi apaiser Heetch, qui a décidé de poursuivre son combat devant le Tribunal de Commerce.
“Beaucoup de chauffeurs VTC qui payent des charges se plaignent et considèrent que Citygo leur fait de la concurrence déloyale, a précisé Teddy Pellerin, directeur général de Heetch, auprès de Maddyness. A chaque fois que Citygo a eu un peu de pression sur ses épaules, ils ont ajouté des règles pour éviter la fraude. Mais cela prouve bien qu’il y a une fraude à la base, que des gens s’en servent d’une mauvaise façon, essayant de venir sur la plateforme pour y gagner de l’argent.”
Citygo se défend de ces accusations de concurrence déloyale qui lui sont portées. Ses équipes ont toujours assuré respecter les lois encadrant le covoiturage. Il existe notamment un barème kilométrique à respecter, ainsi que des règles portant sur et limitant la rémunération des conducteurs. Aucun trajet ne doit être effectué à “titre onéreux” (hormis le partage des frais engagés lors du transport), et les trajets doivent être réalisés “pour son compte propre”. Heetch a enquêté incognito auprès de dix chauffeurs. Selon la startup de VTC, 8 auraient admis se servir de Citygo comme d’un revenu supplémentaire. Le juge aurait toutefois jugé l’échantillon trop restreint.
La justice tranche en faveur de Citygo
Mercredi 7 juin 2023, le Tribunal de Commerce a finalement donné raison à l’entreprise de covoiturage Citygo face à Heetch. Les accusations ont été démenties, et Heetch condamnée à verser 30 000 euros à l’accusé, afin de couvrir les frais de justice engagés pour se défendre.
Dans un communiqué transmis à Maddyness, Citygo se réjouit de la fin de ces “inlassables” tentatives de condamnation. “Nous sommes très satisfaits de ce jugement qui met un terme à une nouvelle étape de l’acharnement dont nous avons fait l’objet par Heetch depuis plus de deux ans, fait savoir Patrick Robinson Clough, fondateur et président de Citygo. Le covoiturage et le VTC sont ainsi deux modèles de mobilité complètement différents (à la fois en termes de pratiques, réalité technologique et cadre juridique) qui doivent coexister afin de proposer des offres de transports diversifiés.”
Convaincu que cette bataille judiciaire touche à sa fin, Patrick Robinson Clough regarde vers l’avenir, espérant pouvoir “poursuivre de manière sereine sa mission d’innovation dans le domaine de la mobilité”. De son côté, Heetch ne s’avoue pas tout à fait vaincu. “Nous n’avons rien contre Citygo, nous précise Teddy Pellerin, mais nous avons besoin de savoir ce qui est légal ou pas. Je ne suis pas juge, mais dans ce pays pour avoir une réponse juridique, nous sommes malheureusement obligés d’en passer par une procédure, et peut-être devrons nous aller en appel pour cela”.
Il précise que quelle que soit la décision finale, il sera en accord avec cette dernière. Il ne souhaiterait, selon ses propres mots, que “mieux définir la frontière” entre le marché du VTC et celui du covoiturage.
L’application Citygo revendique à ce jour plus de deux millions de membres actifs, et 100 000 trajets de covoiturage par mois. Depuis ses débuts, elle aurait été à l’origine de 7,5 millions de covoiturages urbains.