Biomemory, entreprise créée en 2021 par Erfane Arwani, Stéphane Lemaire et Pierre Crozet, regroupe une équipe de biologistes et d'informaticiens déterminés à révolutionner les infrastructures numériques : "Il existe 10 millions de datacenters dans le monde. Leurs tailles varient énormément. Ça va de quelques dizaines de mètres carrés à plus d'un hectare. Il est estimé d’ici 2040 que les centres de stockage de données occuperont une superficie équivalente à celle de l’Islande", explique Erfan Arwani CEO et cofondateur de Biomemory.
10 millions de data centers dans le monde
Et pour cause, les nouveaux usages du numérique changent. "Une Tesla c’est trois téraoctets de données par heure de conduite par voiture. Imaginez 500 millions de Tesla qui roulent 10 heures par semaine. Et ce n’est pas tout, la sauvegarde de l’état d’un ordinateur quantique de 49 cubits, c’est 450 Petaoctets. On peut également citer, les scanners en santé dont les résolutions sont absolument incroyables. Tous ces nouveaux usages nécessitent des espaces de stockage énormes en datacenter et les arbitrages sont de plus en plus difficiles", détaille Erfan Arwani.
Un impact environnemental considérable
Actuellement, les datacenters utilisent trois supports de stockage. 800 millions de disques durs, presque autant de disques SSD et des bandes magnétiques. Si la durée de vie d’un support de stockage varie, on estime que leur mise hors service a lieu en moyenne tous les trois ans.
"À force d’utilisation, un support se fragilise et peut dysfonctionner. Les données sont alors transférées vers un nouveau support. Chaque année, des millions de disques durs sont détruits et brûlés. C’est un support très énergivore pour sa construction, son fonctionnement en centre - la température doit être située dans un intervalle supportable pour eux - et sa destruction. Il y a 10 ans, on partait du principe qu’on solutionnerait le problème en fabriquant davantage de disques durs, mais la création de données explose et la quantité de disques durs nécessaires à leur stockage rend le système ingérable. Sans compter certaines tensions géopolitiques ou énergétiques. Il existe un tas de contraintes et on ne peut pas les entreposer n’importe où. Trouver des alternatives moins fragiles, moins volumineuses et moins énergivores, c’est un véritable enjeu", explique le cofondateur de Biomemory.
Une récente étude de l’ADEME corrobore son analyse. Dans le secteur du numérique en France, les datacenters représentaient, en 2022, 16 % des émissions de CO2.
Et la hausse de l’empreinte carbone devrait se prolonger jusqu’en 2030 avec une augmentation de 28 % des émissions de CO2 dans ce secteur. Pour y faire face, l’Union européenne a émis la volonté d’avoir des datacenters neutres en carbone d’ici 2030. Date à laquelle la startup Biomemory a prévu de sortir son produit.
Les données de l’humanité dans une tablette de chocolat
Pour limiter leur impact environnemental, Biomemory souhaite généraliser le stockage moléculaire sur ADN de synthèse. Une solution qui permettrait aux datacenters de réduire drastiquement leur consommation d’espace, d’énergie et de ressources naturelles (eau et terres rares).
"La nature est bien faite, l’ADN est 50.000 fois plus résistant qu’un disque dur. Et sa capacité de stockage est sans pareil. On peut stocker toutes les données du monde à savoir 100 zettaoctets à l’instant T dans le volume d’une tablette de chocolat. Ça ne prend aucune place et le stockage ne nécessite aucun apport énergétique externe. Nul besoin de refroidir la pièce ou de faire varier l’hydrométrie. Ce qu’on est en train de construire chez Biomemory, c’est une imprimante à ADN. Un ADN biosécurisé et non biohackable. En d’autres termes, il ne peut être modifié et ne représente aucune menace, sa fonction étant réduite à du stockage", rassure Erfan Arwani avant d'appeler, les politiques à s’emparer, malgré tout, du sujet.
"À date, trois entreprises travaillent au stockage de données sur ADN dans le monde. Une entreprise américaine, une entreprise chinoise et nous, Biomemory. Aucune n’a encore mis de produit sur le marché. Chez Biomemory, nos clients finaux seront les 10 millions de datacenters et nous voudrions livrer une machine intégrable directement sans avoir à faire intervenir des biologistes dans les centres. La gestion de ces machines et leur maintenance seraient confiées à des techniciens du site. Le problème c’est qu’en termes de réglementations, nous sommes au niveau 0.".
La startup qui, à la suite d’une dernière levée de fonds de 5 millions d’euros à récemment implanté ses laboratoires dans le XIVème arrondissement de Paris, souhaiterait que des normes soient mises en place pour que les clients qui s’appareillent soient identifiés et identifiables ; que les machines ne puissent pas être ouvertes et que les concurrents se conforment à ses règles.
"Il serait souhaitable, qu’à l’instar du RGPD, cette réglementation soit aussi européenne et qu’elle s’étende au monde entier. Dans l’immédiat on s’impose à nous-mêmes de faire les choses correctement, du mieux qu’on peut."
Biomemory a d’ores et déjà breveté deux de ses technologies et travaille actuellement sur 3 autres brevets. Une levée de fonds à hauteur de 50 millions est planifiée pour le premier trimestre 2024.