Prizm se lance en septembre 2013, le même mois où Lima clôturait sa campagne de financement participatif record sur Kickstarter. Pierre Verdu, Olivier Roberdet, Arthur Eberhardt et Pierre Gochgarian (que Maddyness n’a pas réussi à joindre pour les besoins de cette interview) essayent d’ailleurs d’en suivre les traces en lançant également une campagne sur la même plateforme l’année suivante.
Si les montants récoltés ne sont pas comparables (1,2 million de dollars pour Lima contre 160.000 dollars pour Prizm), cette rampe de lancement participative les propulse dans une aventure entrepreneuriale de plusieurs années. Et, comme toute aventure, rien n’allait se passer comme prévu.
Les multiples pivots de Prizm
Prizm s’est lancé sur une promesse : celle de permettre très simplement à ses utilisateurs de toujours lancer la bonne musique pour chaque moment de la journée.
La startup annonce ainsi initialement que ses utilisateurs vont pouvoir se connecter à leur service de streaming (Spotify, Deezer, SoundCloud), puis lancer la musique en appuyant sur un seul bouton : le choix de la musique est ensuite réalisé en se basant sur les personnes présentes dans la pièce (en venant recouper les goûts musicaux des deux membres d’un couple par exemple), mais aussi le contexte de la journée (matin, après-midi, soirée entre amis …).
Prizm connaît son premier revers quand leur contact chez Spotify, après de longs mois de discussion, vient leur apprendre qu’ils n’auront pas accès à leur catalogue. Il s’agit là d’un choix stratégique de la part de l’entreprise suédoise, qui veut garder la main sur la question de la recommandation musicale. Quelques mois plus tard, ce même contact quitte Spotify pour rejoindre Deezer et la conversation se répète : ils n’auront pas non plus accès aux catalogues du français.
Ce double coup de massue vient remettre entièrement en question le modèle vendu par Prizm pendant sa campagne de crowdfunding : " La décision de Spotify et Deezer était hyper cohérente, explique Olivier Roberdet. Je ne pense pas qu’il y avait de la mauvaise volonté ou que c’était une erreur stratégique de leur part, c’était parfaitement compréhensible. Mais nous ne l’avions pas anticipé et cela a été notre première erreur, nous étions trop dépendants d’acteurs extérieurs. ".
Obligée de pivoter, l’équipe fondatrice de Prizm réalise une deuxième erreur. Ils se souviennent avoir identifié plusieurs solutions pour réagir, mais choisissent celle qui était la plus proche de leur promesse initiale pour ne pas décevoir leurs 1.208 contributeurs Kickstarter. Prizm va donc construire sa propre plateforme de streaming en allant chercher un accord signé avec les différents labels musicaux.
Cette phase va être extrêmement longue, compliquée et coûteuse pour la startup qui va tout de même réussir à sortir ce produit en magasins.
En achetant le Prizm, les clients se voyaient offrir un abonnement d’un an au service de streaming créé par le français. Mais conscients du fait que tous n’allaient pas renouveler l’abonnement, ils décident de développer la deuxième piste qu’ils avaient écartée au moment de leur premier pivot : la création d’un service gratuit basé sur l’exploitation des nombreuses radios web disponibles. Les quatre cofondateurs voient un grand potentiel dans ce service qui arrive pourtant trop tard : à ce moment-là, il n’y avait plus d’argent en banque et aucun investisseur pour remettre au capital.
Bien terminer et sauver un maximum de choses
À défaut d’avoir bien réussi, il était important pour l’équipe de bien finir. Sachant qu’ils allaient devoir fermer l’entreprise quelques mois plus tard, l’équipe développe une quatrième et dernière version du produit centré uniquement sur les web radio. " C’était la version qui allait nous faire perdurer, livre Pierre Verdu. On ne voulait pas que le produit s’arrête de fonctionner du jour au lendemain. C’était important pour nous d’accompagner au mieux les personnes qui nous avaient fait confiance. " .
De la même manière, les cofondateurs étaient fiers de leur équipe et de la technologie développée : " On voulait essayer de sauver un maximum de choses, partage Arthur Eberhardt. On voulait trouver la meilleure porte de sortie. ".
Un mail envoyé à leur investisseur Kima Ventures remonte jusqu’à Xavier Niel qui leur fait notamment rencontrer Sébastien Boutruche, le DG de Freebox (qui est connu comme étant la branche R&D du groupe Iliad). Cette discussion arrive à un moment où l’entreprise cherche à faire grandir ses équipes différemment. Ils s'intéressent en effet au fonctionnement par squad avec de petites équipes qui se concentrent sur un nouveau produit en mode startup. Une petite dizaine des collaborateurs de Prizm viennent donc rejoindre Freebox et se mettent immédiatement à travailler sur la création du répéteur Wi-Fi Pop de la marque.
Arthur Eberhardt avait émis quelques réserves au fait de rejoindre Freebox, sachant qu’il ne se sentait pas à l’aise dans un grand groupe. Il découvre pourtant que Freebox, avec ses 60 employés, fonctionnait très largement sur un modèle startup, avec plus de moyens et d’impacts sur la vie des utilisateurs. Arthur quitte Freebox en janvier 2022 pour rejoindre Baracoda Group, où il développe des objets connectés dans le monde de la santé.
Les trois hommes sont pourtant loin d’écarter l’idée de se relancer ensemble un jour : " L’envie d’entreprendre est toujours là, confirme Olivier Roberdet. Elle ne nous a jamais quittés. Elle augmente peut-être au fur et à mesure que la dernière expérience entrepreneuriale commence à dater. Mais après, il y a le contexte perso. Quand on a lancé Prizm, on était des étudiants avec rien à perdre, le choix était simple. Mais je suis assez confiant sur le fait que notre expérience avec Prizm et chez Freebox nous a apporté un bon bagage pour lancer un nouveau truc. ".
Pierre Verdu est du même avis. Il se verrait bien mettre à contribution ses compétences pour travailler sur la question de l’orientation scolaire : " On peut faire mieux que ce qui existe aujourd’hui. C’est catastrophique et cela a un impact phénoménal sur de nombreuses vies. ". Ce qui est sûr, c’est qu’ils se sentiraient prêts à se réunir à nouveau tous les trois pour lancer une nouvelle entreprise ensemble : " C’est important de bien choisir ses associés, commente Arthur Eberhardt. Et on sait que ça marche bien ensemble et que l’on est parfaitement complémentaire pour créer quelque chose. ".
Rendez-vous dans quelques années pour la suite de l’aventure des cofondateurs de Prizm ?