L'obsession d'Alain Thébault pour les hydroptères date de sa rencontre avec Éric Tabarly en 1983. Ensemble, ils avaient atteint les 90 kilomètres par heure sur un tel vaisseau. En effet, avec son aile immergée, un hydroptère s’élève au-dessus de l’eau pour supprimer le frottement des vagues avec la coque, permettant d’augmenter la vitesse du bateau et de réduire sa consommation.
Trente-deux ans plus tard, en 2015, Alain Thébault créait SeaBubbles, avec la promesse de naviguer sur des taxis volants sur l’eau, propulsée par de l’hydrogène. Il revendra pourtant cette startup en 2019 à un groupe d’investisseurs chinois, suisses, suédois et américains.
" J’ai été étouffé par les administrations françaises, confie-t-il à Maddyness. J’ai mis ma plante verte et mes enfants dans la Tesla et je suis parti en Suisse ".
Il n’a pourtant pas fait une croix sur ses projets puisqu’il vient recréer une entreprise similaire avec l’objectif de venir gommer les défauts du SeaBubbles pour créer e-nemo. Mais la trajectoire de l’entrepreneur français allait changer à cause d’une simple plaisanterie.
La naissance éclair de Fly Box
Le 12 avril 2023, lors d'un événement organisé par Maddyness, Alain Thébault rencontre Rodolphe Saadé, PDG du groupe CGA-CGM, l'un des leaders mondiaux du transport et de la logistique.
En attendant le début de l'événement, Alain Thébault décide d’appeler son ami Yves Parlier, un autre navigateur français abonné aux paris fous. Le sien : faire économiser 20% de carburant au transport maritime en les équipant d’un kite.
Alain Thébault prend des nouvelles du projet. " Ce n’est pas tous les jours évident, lui lâche Yves Parlier. Mais je suis sûr que tu vas faire voler les containers ".
Il n’en fallait pas plus pour échauffer l’esprit du créateur des SeaBubbles qui se met aussitôt à esquisser des croquis depuis son canapé. Il les transfère immédiatement à Davy Moyon, qu’il désigne comme étant le meilleur ingénieur sur la question. Il lui dit : " Je veux faire voler des containers, est-ce que c’est du délire ? Tu peux prendre ta calculette et me dire ce que tu en penses ? "
Alain Thébault lui partage les spécifications précises du projet (des containers de 30 tonnes, une Fly Box de 8 tonnes avec un foil (une aile immergée) accompagné de la question cruciale : est-ce qu’un tel dispositif peut décoller et si oui à quelle vitesse ?
Les calculs de Davy Moyon sont concluants et Alain Thébault passe les deux heures suivantes à écrire une série de trois brevets, toujours depuis le confort de son canapé.
Ces conversations ont lieu le 12 avril 2023. Un mois plus tard, Alain Thébault a réussi à rassembler une solide équipe autour de lui avec notamment Laurent Perrier (le directeur technique qui avait travaillé sur les bus électriques de la RATP), mais aussi le Pr Hubert Girault (un spécialiste de l’hydrogène), ainsi que l’amiral Antoine de Roquefeuil.
Jusqu’où voleront les Fly Box ?
Alain Thébault ne sait pas voir petit et il a donc de grandes ambitions pour sa Fly Box. Il travaille avec la branche suisse de Mazars pour lever de 15 à 20 millions d’euros pour financer les trois premiers prototypes.
Le premier prototype sera piloté par un humain. Le deuxième introduira le concept de " platooning ", les containers se suivants en convoi rapproché, relié ensemble par une amarre numérique. Et le troisième sera complètement autonome avec notamment plusieurs capteurs LiDAR pour se diriger.
" Les premiers prototypes pourront voler d’ici un an à un an et demi ", d'après Alain Thébault.
Pour la ligne pilote, l’entrepreneur imagine déjà rallier Monaco à Gênes en quatre heures avec ses Fly Box. Il se trouve que le Prince Albert II de Monaco est un soutien de longue date pour Alain Thébault et que le projet de Fly Box a déjà capté son attention.
Il n’est pas question de traîner pour l’entrepreneur français qui semble poussé par un sentiment d’urgence.
" La planète brûle, s’écrit-il. Nous avons besoin de solutions qui auront un impact fort sur la mobilité. J’ai cinq enfants… et nous leur devons de faire quelque chose. "