" Jusqu’ici, l’intelligence artificielle a surtout servi des process internes à la banque, comme la connaissance client ou la gestion du risque. Nous assistons maintenant à un virage : l’IA est de plus en plus utilisée au service du client, et non seulement de la banque, notamment au travers d’interactions sur les applications mobiles ", analyse Sophie Heller, Chief Operating Officer Retail Banking & Services chez BNP Paribas.
L’intelligence artificielle, les clients de son groupe vont ainsi en voir les effets dans les mois à venir, et ce pour autre chose que l’analyse de leur profil de risque ou des pièces de leur dossier de crédit pour lesquels, il faut bien le dire, ils se fichent des process internes de leur banque. Parmi les nouveautés en production, des conseils d’investissement personnalisés, basés sur une analyse par l’intelligence artificielle du profil et du comportement du client : " Nous sommes conscients de notre devoir de pédagogie et de transparence : par exemple, nous allons fournir aux clients une vision claire de la rentabilité nette de frais des placements. ".
Côté gestion quotidienne, de nouvelles options supportées par l’IA vont aussi faire leur apparition : avertissements au sujet de factures ou de transactions inhabituelles, sur un découvert à venir, alertes sur le potentiel d’épargne et propositions de placement adéquat… Une détection d’opportunités ou de problèmes qui s’avère bénéfique tant pour le client que pour son conseiller. " Grâce à l’IA, nous pouvons mener des campagnes marketing plus personnalisées. Nous réalisons davantage de campagnes mais sur un plus petit nombre de personnes. Ce type d’opérations offre une meilleure expérience client et une meilleure efficacité pour la banque ", confirme Sophie Heller… à condition, du moins, que les conseillers s’en emparent.
Changer les façons de travailler
Dans beaucoup d’entreprises, il existe une crainte que le recours à l’IA entraîne des suppressions de postes. " L’argument qui consiste à répondre que l’IA va libérer du temps pour les collaborateurs n’est pas, à mon sens, tout à fait exact. Je pense plutôt que l’IA redéfinit les périmètres et fait évoluer les métiers. ". Dans le secteur bancaire, Sophie Heller confirme ainsi que les analystes crédit consacrent désormais davantage de temps à gérer des dossiers plus complexes, l’étude des dossiers simples étant largement facilitée par de l’IA. Elle insiste sur la nécessaire formation et réorganisation des équipes, pour intégrer l’utilisation des outils technologiques. " Grâce aux informations en leur possession et aux campagnes ciblées, nos conseillers sont plus efficaces, nos actions ont gagné en qualité et à des coûts moindres. L’IA est un facteur d’efficacité pour une entreprise ; les conseillers s’en rendent compte petit à petit. ".
Désormais, avec Chat GPT, l’IA va-t-elle être à la portée de toutes les entreprises ? " Il faut voir Chat GPT et les autres systèmes basés sur les " large language models " (LLM) comme des généralistes. Ils sont excellents sur la compréhension et la génération du langage. En revanche, pour la résolution des problèmes, nous continuerons à utiliser des modèles dédiés, plus adaptés ", répond Sophie Heller. Pour créer ses solutions, BNP Paribas s’appuie en grande partie sur des logiciels en open source, qui sont ensuite spécialisés en fonction des besoins et surtout du langage bancaire. Néanmoins, pour la représentante de BNP Paribas, le succès des entreprises ne repose pas simplement sur l’utilisation ou non de l’IA, comme le démontre l’évolution en cours dans le monde bancaire et des fintechs.
" Au démarrage, on a vu beaucoup de fintech capitaliser sur les services offerts par les fournisseurs du cloud pour développer très rapidement leurs solutions. Certaines rencontrent aujourd’hui des problématiques de taille critique et de coût d’hébergement. De plus, le marché se rend compte que celles qui ne possèdent pas leur technologie et qui ne font qu’assembler la technologie des autres, peuvent afficher moins de valeur. On assiste maintenant de plus en plus à l’émergence de fintech qui développent leurs propres services en s’appuyant sur l’infrastructure du cloud, ce qui leur permet de capturer une part plus importante de la valeur et de réduire leur dépendance. ".